Avec 8,7% de la population active, le taux de chômage en France enregistre son taux le plus bas en 10 ans. Un chiffre qui masque une réalité contrastée. Passage en revue des principaux enseignements livrés par une analyse détaillée.
A première vue, c’est une bonne nouvelle comme on aimerait en voir plus souvent : d’après l’INSEE, la France compte 19 000 demandeurs d’emploi en moins sur trois mois, soit tout de même 2,4 millions de chômeurs. La majorité s’est empressée de se féliciter de ce résultat, Edouard Philippe saluant sur France Info « le meilleur résultat qu’on ait depuis dix ans, (…) une baisse continue du chômage depuis deux ans, du chômage taux général, du chômage des jeunes ». Info ou intox ?
Un chômage qui baisse, mais très lentement
C’est peu dire que l’érosion enregistrée tient plus du grignotage que de l’effondrement. Avec une baisse de 0,1% au premier trimestre 2019, on reste en dessous des − 0,3% du dernier trimestre de l’année précédente. Pour l’économiste Eric Heyer, de l’OFCE, il s’agit « d’une toute petite baisse » dont la faible ampleur s’explique par une « activité mollassonne ».
De plus, on est toujours 1,5 point au-dessus du taux le plus bas enregistré avant la crise de 2008. En d’autres termes, fait valoir Libération, se focaliser sur la période de dix ans empêche de constater « qu’un peu plus de la moitié du chemin a été fait, depuis 2015, pour retrouver la situation d’avant la crise sur le marché du travail. »
Un signal encourageant toutefois : d’après Pôle emploi, les intentions d’embauche des employeurs progressent de 14,7% cette année, à 2,7 millions. Suffisant pour atteindre l’objectif affiché par le gouvernement de 7% en 2022, sans vraie perspective de croissance ?
C’est peut-être un détail, mais il vient infirmer le scénario d’une décrue régulière. Comme le soulignent là encore les vérificateurs de Libération, contrairement à ce qu’affirme le Premier ministre, la baisse continue date en réalité du premier semestre 2018. Avant cette date, le taux de chômage avait enregistré une brève recrudescence à 9,2% au début de l’année dernière. Quoique non continue, la fameuse « inversion de la courbe » reste cependant une réalité.
Une baisse pourvoyeuse en emplois de qualité, mais inégale selon les tranches d’âge
C’est une faiblesse tristement connue du « modèle » français : la tendance à exclure de l’emploi les jeunes et les travailleurs les plus âgés. Sur ce point, les derniers chiffres offrent des enseignements contrastés selon la période observée. Le taux de chômage a beau avoir baissé pour les 25-49 ans (− 0,2 point entre janvier et mars, − 0,7 point en un an), il s’est accru chez les jeunes au premier trimestre (+ 0,4%). En revanche, si l’on raisonne sur les douze mois écoulés, il a reflué pour cette catégorie (− 1,7 point). Quant aux seniors, la tendance est à l’augmentation, plutôt légère, avec + 0,4% sur le trimestre et + 0,2 point en un an.
Côté satisfactions : la baisse du chômage s’accompagne d’une progression de la part des personnes titulaires d’un contrat de travail à temps plein (54,4%). Une progression modeste (+ 0,1 point) mais qui a le mérite de ne pas faire reposer la baisse du nombre de demandeurs d’emploi sur une explosion de jobs précaires. « On crée plutôt des temps complets et des CDI » confirme M. Heyer. La hausse des recrutements en CDI s’élève ainsi à 2,4% au premier trimestre 2019 et 5% en un an, selon l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (ACOSS).
Côté face : la comparaison avec les autres pays révèle une France toujours en retard sur des pays tels que l’Allemagne (3,3% de chômage), le Royaume-Uni (3,9%) ou encore la Belgique (5,7%), sachant que la moyenne de l’Union européenne s’élève à 6,6 %. Il n’y a guère qu’en Italie (10,5%), en Espagne (14,5%) et en Grèce (18,5%) que les niveaux de chômage sont plus élevés qu’en France, « mais avec une tendance baissière sur la période récente bien plus prononcée » concernant les pays les plus frappés, note Le Figaro : là où Paris a enregistré une baisse de 1,8 point en un peu plus de trois ans, Madrid a vu son chômage décroître de 12 points en 5 ans, Athènes de 10 points sur la même période.