Arbitrage Tapie : fin d’un feuilleton fleuve

Arbitrage Tapie : fin d’un feuilleton fleuve

Le jugement rendu hier par le tribunal correctionnel de Paris remet sous les feux de l’actualité une affaire qui pèse sur la vie judiciaire et économique française depuis trente ans.

Non, Bernard Tapie n’a pas conspiré avec les pouvoirs publics de l’époque pour monter un tribunal arbitral composé de magistrats acquis à sa cause dans l’affaire concernant la vente d’Adidas au Crédit Lyonnais.

Relaxe « surprenante » pour le chroniqueur judiciaire du Figaro, tant « les vents n’étaient pas favorables à la défense ». Depuis un jugement de la Cour de justice de la République faisant état de malversations et, surtout, la condamnation de Bernard Tapie au civil qui l’avait enjoint à restituer les 404 millions perçus, l’affaire semblait mal engagée pour l’ancien businessman.

Pour Laurent Joffrin, de Libération, ce jugement démontre « l’inanité des déplorations qu’on entend si souvent à propos de la justice française : acharnée, dépendante, politisée, coalisée contre les puissants des affaires ou de la politique. »

L’ombre du Crédit Lyonnais

Difficile de résumer cette ténébreuse affaire, qui par la qualité et le destin de ses protagonistes, peut être vue comme le codicille d’une histoire de l’économie française des trente dernières années. Celle des liens (parfois supposés troubles) entre l’Etat et les milieux d’affaires sur fond de privatisation d’entreprises publiques.

Tout commence le 7 juillet 1990 lorsque Tapie rachète un Adidas au bord de la faillite. Deux ans plus tard, nommé ministre de la Ville, il décide de revendre l’équipementier sportif, sorti d’affaire, à un groupe d’investisseurs auquel appartient une filiale du Crédit Lyonnais. Lequel décide ensuite de casser la vente, ce qui entraîne la faillite du groupe BT et la mise sur la paille de son fondateur.

S’estimant floué, Tapie attaque le Crédit Lyonnais, lui-même en quasi-faillite du fait d’une gestion calamiteuse et alors propriété de l’Etat. S’ensuivent des années de procédures devant tous les tribunaux possibles et imaginables, jusqu’à ce que l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy se traduise par la nomination d’un tribunal arbitral censé mettre un terme à la dispute. En 2008, l’Etat est condamné, Tapie grassement indemnisé, mais la vindicte de l’opposition entraine la contestation du principe même de ce tribunal arbitral. Le jugement du tribunal correctionnel est venu clore cette affaire dans l’affaire en écartant la thèse du complot politique – dans l’attente d’un possible appel du Parquet.

Soulagement dans le clan Tapie… et chez Orange

Un autre protagoniste de l’affaire peut s’estimer soulagé : Stéphane Richard. Le PDG d’Orange, accusé de «complicité de détournement de fonds publics et d’escroquerie», ressort blanchi de toute accusation. Directeur de cabinet de Christine Lagarde, ministre de l’Economie à l’époque où a été adopté le principe du tribunal arbitral, Richard était accusé d’avoir outrepassé ses fonctions en n’avertissant pas sa ministre de certaines décisions.

Reconduit au printemps dernier à la tête d’Orange, il avait annoncé qu’il remettrait son mandat entre les mains du conseil d’administration en cas de condamnation. Relaxé, Stéphane Richard va donc poursuivre en toute sérénité son mandat à la tête de l’opérateur, dont plusieurs représentants ont fait part de leur soulagement dès l’annonce du verdict.

Ainsi prend fin une affaire fleuve au casting XXL, qui aura vu se croiser le temps d’une procédure un businessman symbole des années fric longtemps perçu comme un possible Berlusconi français, le patron du plus grand opérateur français de télécoms et la désormais présidente de la Banque centrale européenne.

Eric Fougerolles est un journaliste spécialisé dans le domaine de l’économie et de l’Europe. Diplômé de Sciences Po et en Droit communautaire, il travaille depuis une quinzaine d’années pour divers médias européens. Il est rédacteur pour Confluences.

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