Le spectre du surtourisme hante l’Europe. Si les habitants des grandes villes dénoncent d’importantes nuisances, les professionnels et les autorités ne semblent pas vouloir renoncer à une industrie devenue une véritable poule aux œufs d’or.
Les plus belles villes européennes n’en peuvent plus. C’est en tout cas ce que laisse entendre un reportage publié le 29 juillet dernier dans Les Échos. Le maire de Venise souhaite même que sa ville soit inscrite sur la liste UNESCO du patrimoine en danger. Plus de 30 millions de visiteurs par an ont obligé les autorités de la cité des Doges à prendre des mesures drastiques : la création de nouveaux hôtels dans le centre-ville a été interdite ; seules 20 000 personnes sont désormais autorisées à fêter le carnaval et certains jours fériés sur la place Saint-Marc ; une taxe d’entrée, qui devrait rapporter entre 40 et 50 millions d’euros par an, devrait bientôt être insérée dans les billes de train ou d’avion.
De leur côté, Florence et Rome ne sont pas en reste. Le temps de la dolce vita semble révolu : désormais, se baigner dans la fontaine de Trevi ou pique-niquer sur les marches du Duomo peut vous coûter la bagatelle de 500 euros. Les autorités sont plus que jamais décidées à protéger les monuments contre l’afflux massif de visiteurs. En Sardaigne, poursuivent Les Échos, de nombreuses plages ont ainsi instauré un numerus clausus compris entre 300 et 1 000 personnes par jour.
Poule aux œufs d’or
Cinquième pays le plus visité au monde, l’Italie reçoit environ 60 millions de touristes chaque année. Un flux qui a généré au moins 42 milliards d’euros l’an dernier, selon les chiffres de Bankitalia, cités par le quotidien économique. Comment protéger le patrimoine du pays et préserver le « cachet » des villes sans renoncer à une telle manne ?
La question se pose de manière particulièrement aiguë en Espagne, deuxième destination touristique au monde. « Tourism Kills the City », pouvait-on lire sur une banderole déployée au mois de juin sur la façade d’un bâtiment emblématique de Barcelone. Bruno Hallé, responsable de la section « hospitality » de Cushman & Wakefield, se veut rassurant : « les problèmes sont médiatisés, mais très localisés, ils sont moins liés au nombre de touristes qu’aux frictions avec les populations locales contraintes de partager un espace congestionné », affirme-t-il. Mais avec 82,6 millions de visiteurs l’an dernier et une industrie touristique qui représente 14,6 % du PIB, l’Espagne pourrait connaître de plus en plus de « frictions » — aussi « localisées » soient-elles — entre touristes et locaux. Et cela pourrait également être le cas pour Londres, Édimbourg, Amsterdam ou encore Dubrovnik.
Un équilibre difficile à trouver
Les Échos rappellent que les autorités thaïlandaises ont décidé de fermer pendant trois ans la plage de la Baie de Maya, sur l’île de Ko Phi Phi Leh. Rendu célèbre par le film La Plage, avec Leonardo Di Caprio, le site recevait jusqu’à sa fermeture environ 5 000 touristes par jour.
Devra-t-on s’attendre à la fermeture de plages espagnoles, d’églises italiennes ou de musées français à l’avenir ? Si la présidente d’Île-de-France assure qu’« il n’y a pas de surtourisme » dans la région, la mairie de Paris, elle, s’inquiète. Les plateformes d’hébergement touristique continuent de réduire l’offre de logements, les magasins de souvenir remplacent les commerces de proximité et les cars de visiteurs se révèlent encombrants et polluants, résument Les Échos.
Mais la ville n’est sans doute pas prête à renoncer à l’activité supplémentaire, la création d’emplois et l’animation générées par l’industrie touristique. La preuve : face à un début de saison mitigé pour les professionnels, nombreux sont ceux qui se consolent en se disant que le mois d’août est traditionnellement plus dynamique que celui de juillet. Décidément, l’équilibre semble difficile à trouver.