C’est bien connu : de nos jours, les jeunes ne veulent plus travailler. Ce classique des repas de famille pourrait bien connaître un regain de popularité par la grâce d’une enquête statistique. En l’occurrence, le baromètre de l’absentéisme, qui vient porter un coup de froid aux bonnes résolutions de la rentrée en révélant que les moins de 40 ans sont de plus en plus concernés par les arrêts de longue durée.
Car oui, un tel baromètre existe, il en est même à sa onzième édition et il n’est pas réalisé par une marque de matelas, mais par le très sérieux cabinet de conseil en Business Performance Ayming en partenariat avec l’assureur AG2R La Mondiale. Une étude qui vient à point nommé, alors que le gouvernement a promis d’enrayer la progression des arrêts maladie, qui coûtent 7,5 milliards d’euros à la Sécurité sociale et progressent chaque année de 4%.
Un absentéisme qui concerne de plus en plus de jeunes
Selon ses conclusions, le taux d’absentéisme au travail a atteint 5,10 % en France en 2018, soit une hausse de 8 % par rapport à 2017. Ce qui correspond à une moyenne de 18,6 jours par salarié et par an, sachant que les auteurs réunissent sous le terme d’absentéisme les arrêts maladie, les accidents du travail et maladies professionnelles dès le 1er jour d’arrêt.
Spectaculaire signe des temps et du vieillissement de la population active : les arrêts d’une durée supérieure à 90 jours ont crû de 10% en un an. Mais le plus frappant, c’est l’accroissement de ces arrêts longue durée chez les moins de 40 ans : + 23% en 2018. Maladie, conditions de travail et épuisement professionnel expliqueraient ce taux élevé, qui rompt avec le constat d’une hausse corrélée à l’âge. Toutes tranches d’âge confondues, les femmes, qui occupent généralement des emplois plus précaires et plus pénibles physiquement, en plus des arrêts maladie liés aux grossesses, sont nettement plus absentes que les hommes (5,73 % contre 3,83).
Ce mystérieux épuisement des moins de 40 ans
Ce que l’étude n’explique pas dans le détail, c’est la source de ce fameux épuisement des moins de 40 ans. « Ces collaborateurs plus jeunes sont dans un rapport au travail moins sacrificiel que leurs aînés, avance l’un des responsables du baromètre. Ils s’investissent autant qu’eux, mais ils ne sont pas prêts à avoir un impact sur leur santé liée au travail. » D’autant qu’ils sont aussi plus sensibles que leurs ainés aux questions d’éthique et n’hésitent pas à se mettre en retrait en cas d’incompatibilité.
Derrière cette question, on en retrouve une autre qui hante le débat économique français depuis (au moins) les 35 heures : celle du rapport au travail des nouvelles générations. Les uns, soucieux de productivité et de l’équilibre des comptes sociaux, pointent l’existence, au pire de fraudeurs, au mieux de petits malins qui usent des largesses du code du travail pour tirer au flanc, quand ils ne mettent pas leur comportement sur le compte d’une société de loisirs qui aurait rendu la vie trop facile. Les autres parlent d’un rapport tactique et opportuniste au travail, de l’absurdité du système managérial, d’un manque de considération et d’opportunités pour les jeunes qui se traduit par une baisse générale de la motivation.
Quand ce n’est pas la fameuse quête de sens qui, la quarantaine venant, transforme des cadres brillants et multi-burn-outés en vendeurs de fromage bio. Récemment, la réforme de l’indemnisation chômage a permis d’isoler ce nouvel ennemi du redressement productif : le cadre qui se fait licencier pour faire le tour du monde en étant sponsorisé par Pôle Emploi.
Alors scandaleux effets d’aubaine, évolution quasi-anthropologique du rapport au travail, ou les deux ? Nul doute que la discussion risque d’animer les repas de famille pendant encore longtemps.