« Le monde est plein d’idées chrétiennes devenues folles », se désolait l’écrivain britannique Chesterton. Une dégénérescence similaire frappe les causes les plus nobles et les soumet à une malédiction persistante. Les préoccupations les plus légitimes de notre temps sont préemptées puis détournées par des factions intellectuelles plus ou moins bien intentionnées.
Jadis, le féminisme soutenait justement que les différences biologiques ne constituaient pas un prétexte de discrimination légale. Désormais, les mouvements féministes les plus radicaux s’attachent à nier la plupart des différences de nature entre les hommes et les femmes. Hier, la lutte contre le racisme rejetait toute essentialisation sur la base de critères ethniques. Cette même essentialisation constitue désormais le moteur de « l’anti-racisme » post-moderne qui dépeint les Blancs comme des éternels oppresseurs et les Noirs comme des éternels dominés.
L’environnement n’échappe pas à ce grand détournement. L’environnementalisme de première génération se contentait d’appeler à une utilisation raisonnée des ressources et à la préservation d’espaces hospitaliers pour l’espèce humaine. En ce sens, il ne faisait que reformuler de simples préoccupations économiques vers lesquelles les sociétés industrielles tendent spontanément. L’histoire du développement économique est en effet l’histoire de notre faculté à rendre notre environnement toujours plus habitable.
Extinction Rebellion, ou adaptation
De la révolution néolithique à la révolution industrielle, le rôle de l’ingénierie humaine a toujours consisté à enjoindre la nature à se montrer plus coopérative et hospitalière. Un seul et unique indicateur suffit à attester ces réussites : la démographie. Nous étions 4 millions d’êtres humains 10 000 ans avant JC. Nous atteindrons 10 milliards d’individus au cours du XXIème siècle. Cette évolution n’est pas le fruit de l’exaltation de nos pulsions reproductives. Elle est plutôt le résultat de notre faculté à déjouer la mort en bâtissant des environnements toujours plus chaleureux pour notre espèce.
Hélas, ces tendances sont désormais source de craintes, ainsi qu’en témoigne la popularité des préjugés qui adhèrent à la théorie de la surpopulation. La prospérité de l’espèce humaine n’est plus le critère qui détermine la qualité d’un système politique. Pour les tenants d’une écologie fondamentaliste et décroissante, c’est tout le contraire. Seul compte sauvegarde d’une nature sauvage. Une nature immanente et d’autant plus désirable qu’elle s’affranchit de toute empreinte humaine. Le fondamentalisme vert est un paganisme qui signe le grand retour du finalisme en biologie. Une lecture déterministe du sens de l’évolution qui confère au grand ordonnateur des finalités naturelles une volonté infaillible. Que la main visible de l’homme contrarie ces processus naturels spontanés ne peut donc être autre chose qu’un crime de lèse-majesté.
Les arrière-pensées anti-capitalistes d’une telle idéologie sont éclatantes. Si homo sapiens n’a plus le droit d’exploiter la nature à son profit, c’est toute la civilisation marchande qu’on condamne. Exit la propriété privée. Exit le commerce. Exit l’industrie. Exit la technologie. Même les chasseurs-cueilleurs – qui épuisaient leurs ressources – ne survivraient pas à l’adoption d’une éthique aussi paralysante. Mais n’est-ce pas là l’ultime volonté de ces militants ? L’anti-capitalisme avait coutume de parier sur une profonde transformation de la vile nature humaine égoïste. Si celle-ci se refuse à changer, ne mérite-t-elle pas de dépérir ?