Jeremy Rifkin, l’une des voix les plus influentes du débat outre-atlantique, revient avec un essai intitulé le New deal vert mondial. L’homme qui conseille la Chine et l’Union européenne sur leurs politiques environnementales propose rien moins qu’un « plan économique pour sauver la vie sur terre ».
2028 : c’est la date à laquelle la « civilisation fossile » aura entamé son basculement vers une économie non carbonée. Résolument optimiste, l’auteur de cette prophétie, économiste particulièrement écouté, est persuadé que l’humanité peut passer en quelques années à un mode de production basé à 100 % sur les énergies renouvelables.
Comment est-ce possible alors qu’en 2017, la part du solaire et de l’éolien représentaient seulement 3% de l’énergie produite ? Tout simplement parce que c’est là que se trouvent les plus gros gisements de croissance. Les coûts ont baissé. Les solutions technologiques existent. Les choses ont déjà commencé à bouger. Et comme l’explique Rifkin dans une interview au Monde, le mouvement va aller en s’accélérant : « selon Carbon Tracker Initiative, un think tank britannique, ce point de bascule sera atteint lorsque 14 % de l’électricité sera fournie par le soleil et le vent. » Autre indice évoqué cette fois-ci devant Le Figaro : « selon Bloomberg, 20 % des véhicules vendus en 2028 seront électriques, contre 2,5 % aujourd’hui. »
Le marché au secours de la transition énergétique
Contrairement aux partisans d’un dirigisme frugal, qui pensent que le capitalisme ne saurait changer la donne là où il a failli en contribuant au saccage de la planète, Rifkin croit dans l’économie ouverte. Il voit dans les marchés l’allié de la transition énergétique. Pour favoriser le basculement, il va falloir investir des sommes considérables. Cet argent, pour Rifkin, viendra en grande partie des fonds de pension, ces mécanismes d’épargne qui pèsent aujourd’hui 37 000 milliards de dollars. Tout l’enjeu du New Deal qu’il appelle de ses voeux consiste à accélérer l’allocation de ressources vers les énergies non polluantes au risque de « plonger dans les abysses ».
Car bien sûr, explique-t-il, il y aura des résistances, de la part des industries qui dépendent indirectement des énergies fossiles, comme la pharmacie et la chimie. En cause les « actifs bloqués », des infrastructures bientôt obsolètes (pipelines, équipements de stockage, stations-service) qui pèsent 100 000 milliards de dollars.
Vers la Troisième révolution industrielle
En définitive, tout dépendra des rapports de force politiques. Inquiet à l’idée que la prise de conscience se fasse trop tardivement, Rifkin se dit rasséréné par le mouvement incarné par Greta Thunberg « première révolte d’ampleur planétaire ». Et pour favoriser l’acceptabilité sociale de son plan, l’économiste, instruit par la crise des gilets jaunes, préconise un renchérissement de l’énergie carbonée, assorti d’un mécanisme de redistribution aux particuliers des recettes de la transition énergétique, les ménages les plus pauvres se voyant davantage aidés.
Au-delà du seul enjeu de la transition énergétique, c’est à un bouleversement encore plus profond que nous prépare le penseur de la Troisième révolution industrielle : un monde à l’économie relocalisée, grâce aux imprimantes 3D, au traitement de la data et à des unités autonomes de production énergétique. Un monde plus résilient face aux bouleversements climatiques et aux risques d’attaques contre des réseaux aujourd’hui trop centralisés.
Une invitation à préparer l’avenir avec résolution et optimiste qui vient à point nommé, à l’heure où se déploient les discours les plus apocalyptiques.