La révolution du commerce portée par Internet a longtemps été la bête noire des États en matière fiscale. L’arsenal législatif jusque-là développé ne convient pas à ce commerce dématérialisé et délocalisé typique du 21e siècle. L’organisation internationale cherche à établir « un nouveau modèle de taxation taillé pour le XXIe siècle ».
Il s’agit de « la réforme fiscale la plus ambitieuse et la plus difficile jamais tentée au plan mondial ». La proposition présentée mercredi 9 octobre par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se veut le compromis idéal entre les propositions « concurrentes » formulées par le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Inde. Elle devrait en outre se substituer aux taxes unilatérales déjà adoptées par certains pays, comme la France et le Royaume-Uni. Mais ce n’est pas tout. Le projet de l’OCDE prétend réussir l’exploit inouï de mettre d’accord Donald Trump, Xi Jinping, Emmanuel Macron, Boris Johnson, Angela Merkel ou encore Narendra Modi. Le tout en donnant satisfaction aux nombreux militants et ONG qui réclament plus de justice fiscale.
Est-ce vraiment raisonnable ? « Si le G20 et les autres pays acceptent de négocier sur cette base, nous pourrions avancer assez vite vers un accord politique », veut croire Pascal Saint-Amans, directeur du Centre politique et d’administration fiscale de l’OCDE.
La proposition sera en effet soumise à la validation des ministres des Finances du G20, qui se réuniront les 17 et 18 octobre à Washington. S’il obtient leur feu vert, le texte devra être discuté et adapté par les 134 États membres du comité des Affaires fiscales de l’OCDE. « Si nous sommes capables de faire en sorte qu’il y ait une vraie négociation, un accord politique pourrait être conclu, pourquoi pas en janvier, même si ça me paraît trop ambitieux, mais assurément en juin », insiste Pascal Saint-Amans.
Des propositions clivantes
La proposition a de quoi séduire les États, puisqu’elle vise à leur donner des outils leur permettant d’imposer des bénéfices qui actuellement leur échappent. L’OCDE souhaite en effet partager les droits d’imposer (actuellement alloués aux pays dans lesquels se trouvent le siège ou les droits de propriété intellectuelle des entreprises) avec les pays dits « de marché », soit les pays où se trouvent les clients des entreprises. Ainsi, toute multinationale exerçant – grâce à Internet – une activité à distance sur un territoire pourra être taxée par le territoire concerné. Cette mesure, qui constitue le premier pilier de la proposition de l’OCDE, vise en outre à empêcher les transferts artificiels de profits dans les paradis fiscaux.
Second grand pilier de la proposition : l’OCDE souhaite créer un taux minimum d’imposition des géants du Web et des multinationales « numérisées ». Là aussi, l’objectif affiché est d’en finir avec les politiques de planification fiscales agressives qui permettent de délocaliser les profits dans les paradis fiscaux.
Si ces objectifs semblent consensuels, d’âpres discussions sont attendues notamment autour du seuil du chiffre d’affaires taxé et de la proportion du profit résiduel qui sera redistribuée aux différentes juridictions dans lesquelles l’entreprise réalise son activité. La proposition de l’OCDE concerne toutes les entreprises bénéficiant de revenus via une activité Internet, à l’exception des entreprises industrielles et des industries extractives, comme les entreprises minières.