Africains, notre avenir doit se construire maintenant !

Africains, notre avenir doit se construire maintenant !

Par Khaled Igué, fondateur et président du think tank Club 2030 Afrique.

L’Afrique doit mobiliser ses immenses ressources – humaines, financières et technologiques – pour parachever son développement, et miser sur des secteurs d’avenir, comme l’éducation et l’énergie.

Le continent est à un point de bascule de son histoire. C’est aujourd’hui, au moment même où sont écrites ces lignes, que se joue une large part de son avenir, que se décident les grandes orientations qui, demain, façonneront l’Afrique que connaîtront nos enfants. Depuis trois générations, celle de mes grands-parents, celle de mes parents et la mienne, l’Africain est lui-même confronté à un choix existentiel : découvrir sa mission, la remplir ou la trahir, pour paraphraser Frantz Fanon. Cette mission, c’est le développement du continent africain par les Africains eux-mêmes. Elle passera par l’accroissement de l’expertise humaine, par des investissements massifs, mais aussi par le développement et la production, en Afrique, de nouvelles technologies.

Construire le « Triangle des ressources »

C’est ce triptyque que j’appelle le « Triangle des ressources ». La première d’entre-elles réside sans conteste dans le capital humain. Aucune famille, aucune communauté, aucune nation ne peut se développer sans ressources humaines qualifiées. C’est d’autant plus vrai en Afrique où, pour de nombreuses familles à très faibles revenus, ce capital humain représente l’unique ressource dont elles disposent pleinement. Regardons ailleurs, inspirons-nous des exemples réussis hors de nos frontières : Singapour n’est pas devenue un centre mondial de la finance et du tourisme en reposant sur ses ressources souterraines, mais grâce au talent et à l’ingéniosité de ses habitants, mis au service de leur réussite collective.

Si l’expertise humaine est un préalable, elle ne peut rien, ou presque, sans financement adéquat. Et en tant que banquier d’affaires et de développement, je ne peux que constater le manque criant d’investissements privés en Afrique. Si de nombreux pays africains ont considérablement amélioré leur attractivité aux investissements directs étrangers (IDE) et que ceux-ci ont progressé de 11% au cours de l’année dernière, ils restent très en-deçà des besoins du continent. Ces derniers sont colossaux : ils se chiffrent, selon la Banque africaine de développement (BAD), entre 130 et 170 milliards de dollars par an en termes d’infrastructures ; à 26 milliards de dollars annuels, selon l’Unesco, pour assurer l’éducation primaire universelle ; à 35 milliards par an pour l’agriculture, et même 110 milliards d’ici à 2025 ; etc. Des montants gigantesques, qui représentent autant d’opportunités pour l’investissement privé et les partenariats public-privé (PPP).

Cela tombe bien : selon une étude publiée en 2018, plus de neuf investisseurs sur dix (92%) se disent optimistes quant aux perspectives actuelles et futures de l’Afrique. A raison, la croissance moyenne africaine s’établissant à 3,5% et le climat des affaires s’améliorant de manière continue au sein de nombreux pays. Une raison de plus de miser sur la troisième ressource du « triangle » : la technologie. La jeune population de l’Afrique et son entrée tardive dans les nouvelles technologies lui confèrent en effet des avantages concurrentiels sur d’autres régions du monde. Certes, l’Afrique n’a plus à réinventer la roue ; mais elle peut être à l’origine de la cinquième révolution industrielle : cette du « tout-mobile ». L’Afrique est en effet le berceau du paiement mobile et du mobile banking ; elle a, avec ses 1,3 milliard d’habitants, le marché nécessaire pour créer une nouvelle économie ; enfin, six Africains sur dix ont moins de 25 ans.

Investir dans les secteurs d’avenir

En s’inspirant des succès technologiques d’ailleurs, en évitant leurs dérives – environnementales, notamment –, l’Afrique peut exploiter des cadres de partenariat, de transferts ou de création de technologies intégrant les atouts naturels du continent et ses réalités culturelles, pour atteindre un développement durable et inclusif. Plusieurs pays africains sont, à ce titre, prédisposés à devenir de véritables hub technologiques et des acteurs majeurs de l’innovation mondiale – à la condition, sine qua non, que ce développement technologique soit pensé dans une perspective de long terme et dans le cadre d’une nouvelle forme de « Green New Deal ». Et à la condition, toute aussi expresse, que l’Afrique réforme son système éducatif qui, aujourd’hui, demeure l’une de ses principales faiblesses.

Au-delà de l’incongruité qui consiste pour les jeunes Africains à forger leurs identités via le prisme d’une langue étrangère, pour ne pas dire coloniale, et de l’urgence de les réconcilier avec leurs langues maternelles, c’est l’inadaptation des formations leur étant proposées qui pose problème. Ce n’est pas tant de « cerveaux » dont le continent a besoin que de « mains habiles », c’est-à-dire de bons professionnels dans les métiers techniques et manuels. Une bonne formation et une valorisation de ce secteur, alliées au faible coût d’une main d’oeuvre disponible en quantité, permettraient à l’Afrique de s’imposer comme la nouvelle zone industrielle de l’humanité. Enfin, le développement du continent ne fera pas l’impasse sur une revalorisation de sa culture – notamment du caractère oral de la transmission d’informations – et des savoirs endogènes de ses populations, qui doivent être vus comme des moteurs de croissance à part entière.

Le développement agricole, industriel et technologique de l’Afrique ne sera pas possible sans énergie. L’accès à l’électricité, particulièrement en milieu rural, est indispensable pour sortir de l’appauvrissement et améliorer les infrastructures de santé et d’éducation. Pour financer cet accès, l’Afrique doit recourir aux PPP, que la BAD considère comme faisant partie des « meilleurs moyens de favoriser le développement » du continent et auxquels recourent, et c’est heureux, de plus en plus de gouvernements africains, considérant leurs avantages financiers ainsi qu’en termes d’utilisation plus rationnelle des ressources mises en jeu. Reste, pour ces derniers, à convaincre les sociétés privées en se dotant de cadres législatifs clairs et attractifs.

L’Afrique, c’est mon intuition, se trouve à une période charnière de son histoire, enfin en pleine capacité de recouvrer sa souveraineté et d’inscrire sa voix dans le concert des nations. De se libérer d’un passé parfois pesant, aussi. L’heure de l’Afrique : tel est le titre de mon ouvrage sur la question, paru le 20 janvier aux éditions Hermann. Ce titre ne doit rien au hasard. Africains de tous les pays, membres de la diaspora de tous les continents, personnes de bonne volonté du monde entier doivent s’unir pour traduire cet axiome en actes : il est l’heure, pour l’Afrique, de véritablement compter.

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