Christophe Carval : « déterminer les compétences incontournables à la performance demain »

Christophe Carval : « déterminer les compétences incontournables à la performance demain »

Près de 60% des entreprises de plus de 10 salariés expriment des difficultés de recrutement*. Disposer des bonnes compétences relève d’enjeux de performance industrielle, économique et sociale pour Christophe Carval, DRH EDF. Ce dernier estime que les entreprises doivent plus que jamais sortir d’une gestion des compétences de court terme pour déployer une vision prospective de long terme. 

Au sein des entreprises, quel est l’acteur le plus à même de piloter la gestion de compétences des salariés ?

Au quotidien, c’est évidemment le manager qui joue un rôle majeur dans l’ajustement des compétences et de la professionnalisation. Mais pour la vision de plus long terme, la responsabilité en revient à la filière RH. Les managers opérationnels, qui sont comptables de la production des résultats annuels, n’ont pas toujours le temps ni les moyens de se projeter dans une vision lointaine et prospective. Leur tentation légitime, dès lors qu’ils subissent des absences dans leurs équipes, est de les remplacer le plus vite possible par des profils similaires à ceux présents jusqu’alors. Or, ce n’est pas forcément ces profils qu’il est le plus pertinent d’intégrer, dès lors qu’on se projette sur une temporalité plus longue. De la même manière, les directions financières ont forcément un regard pluri-annuel. Recruter un nouveau collaborateur signifie engager l’entreprise potentiellement pour des dizaines d’années.  

Comment une entreprise construit-elle une vision prospective de ses besoins en compétences ?

L’enjeu est de déterminer les compétences incontournables à la performance demain, et ce, à plusieurs échelles de temps : 5 et 10 ans. Il est difficile de le faire au-delà, tant les évolutions sont rapides désormais. Cet exercice implique d’associer tous les métiers de l’entreprise pour analyser la somme des ruptures à accompagner voire à anticiper. Pour avoir pratiqué cet exercice à plusieurs reprises dans des sociétés différentes, la tentation naturelle est de se projeter dans une vision proche de l’environnement dans lequel on se trouve, en sous-estimant parfois l’intensité et l’impact des ruptures auxquelles on va être confronté. Il est de la responsabilité des RH de les identifier et d’en évaluer les impacts, en étroite collaboration avec la stratégie et avec les métiers. 

A quels types de ruptures les entreprises doivent-elles se préparer ?

Une fois les ruptures identifiées, préparer l’avenir conduit à prendre des décisions en termes d’emplois et de compétences, sur les registres quantitatif et qualitatif. Pour cela, il faut partir d’un état des lieux des compétences dont l’entreprise dispose aujourd’hui. Cela peut paraître trivial, mais il n’est pas si simple d’avoir une mesure précise et qualitative des compétences. On dispose plus facilement des outils qui comptabilisent les volumétries d’emploi et de salariés que la vision des compétences maîtrisées. Ce n’est qu’à partir de là qu’il est possible d’engager des actions.

Au sein d’EDF justement, quelles actions sont menées pour préparer les compétences de demain ?  

Au sein du Groupe, la mise en place de cette vision prospective nous a permis d’identifier des métiers sur lesquels il y a des écarts, c’est à dire trop de ressources par rapport à une décroissance inéluctable. Il s’agit principalement des métiers tertiaires ou commerciaux : comptables, gestionnaires de formation, immobilier, relation clientèle ainsi que les fonctions « support » .

Nous avons fait évoluer notre politique de recrutement sur ces métiers. Nous privilégions aussi le redéploiement des salariés dont on sait qu’à échéance de 5 ans leur activité aura décru. Nos collaborateurs se voient proposer des programmes de reconversion vers des métiers techniques en tension ou vers des métiers en croissance. 

Pour répondre à des besoins en compétences émergents, nous avons aussi mis en place des politiques de parcours professionnels spécifiques. Par exemple, nous évaluons un besoin de 600 à 900 Data Analyst, développeurs ou dans le domaine de la cyber sécurité dans les 5 ans. Des salariés volontaires sont sélectionnés sur leurs aptitudes et non sur un diplôme initial. Ils suivent un cursus de professionnalisation. Cela permet de faire monter en compétences des collaborateurs issus du corps social de l’entreprise pour les former à des métiers d’avenir. C’est aussi une ouverture des possibles et une vraie opportunité d’ascension sociale pour nos salariés. 

Comment avez-vous adapté votre politique de formation ?

Nous avons repensé notre politique de formation pour l’intégrer dans une politique globale de professionnalisation. Pour qu’elle soit au service de l’évolution des compétences de nos salariés. Un des enjeux majeurs est d’accompagner les redéploiements/reconversion des salariés confrontés à des secteurs en rupture de charge, pour anticiper leur mobilité et construire leur projet professionnel.

Le second enjeu fort de notre politique de professionnalisation est de faire du Groupe EDF une entreprise apprenante. Pour se former, il n’est pas nécessaire de passer 6 mois à l’école. En organisant le compagnonnage, les collectifs de travail, le transfert de compétences, on peut activer des leviers de transmission du savoir formidables, et les outils digitaux sont un atout en ce sens. Aujourd’hui le Groupe veut se doter d’une dynamique de « knowledge management » exemplaire. Cette approche transforme l’entreprise en une structure auto-apprenante, en veillant à ce que les meilleurs sachants transmettent leurs savoirs à leurs collègues. 

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