Quand Davos se met au vert

Quand Davos se met au vert

Rendez-vous des élites économiques mondiales, le Forum de Davos a mis en scène cette année la confrontation entre une vision alarmiste du climat tendance Greta Thunberg et une célébration du laisser-faire incarnée par Donald Trump. 

Dans la mythologie contemporaine, le nom de Davos sent le souffre. Beaucoup fantasment dans cette réunion annuelle de décideurs imaginée en 1971 par un professeur d’économie suisse un complot en altitude, le lieu de réunions occultes entre grands maîtres du capitalisme. Davos, c’est un peu le Groupe Bilderberg fait du ski. La réalité est plutôt à chercher du côté d’un super salon VIP. Il faut lire le reportage réalisé il y a quelques années par le romancier Emmanuel Carrère pour se faire une idée de ce mélange de réseautage et de conférences de haut vol où se pensent les mutations du monde.

Affrontement à distance Trump-Thunberg

Cette année, le Forum ne pouvait pas échapper à la grande question du moment, celle des bouleversements climatiques à l’oeuvre partout sur la planète. En plus de centrer l’essentiel des débats autour du sujet, les organisateurs avaient pris soin d’accueillir les participants dans un village éco-friendly, que la plupart d’entre eux ont rallié par la voie des airs.  Et les journaux d’ironiser sur l’hypocrisie de la situation : « 1 500 jets privés (NB : nouveau record local), hélicoptères et limousines pour discuter du… réchauffement climatique » titrait ainsi Ouest France.

Hypocrisie encore, celle de la communauté internationale toute entière, dénoncée depuis des mois par la militante Greta Thunberg qui semble s’être fait une spécialité d’apparaître en guest star d’événements dont elle dénonce l’inutilité. La Suédoise était présente mardi à la tribune pour s’en prendre une nouvelle fois à l’inaction des gouvernements, au moment où Donald Trump atterrissait à son tour à Davos.

Mais la Némésis des climatovigilants a esquivé la confrontation directe. Loin de l’agitation de Washington où le Sénat s’écharpe autour de son improbable destitution, le Président américain, en campagne pour sa réélection,  a martelé son message résolument optimiste, à contre-courant des « prophètes de malheur », vantant les résultats économiques de son pays et sa foi dans le progrès technologique, sans un mot pour le changement climatique ni pour les énergies renouvelables.

Jamais le sentiment de voir les Etats-Unis jouer contre le reste du monde n’a été aussi criant qu’au cours de la table ronde finale, où le ministre des Finances Steve Mnuchin s’est retrouvé coincé entre Christine Lagarde (BCE) et Kristalina Georgieva (FMI), à devoir justifier la position de son pays. « On devrait parler d’enjeux environnementaux et pas de changement climatique qui n’en est qu’une partie » a relativisé l’Américain, qui en a profité pour évoquer le « gaz propre » et fustiger une taxation écologique pénalisante pour « les gens qui travaillent dur ».

Un consensus de Davos ?

Si on met de côté cette opposition savamment mise en scène, l’unanimité autour de la cause climatique est désormais de mise. La Tribune n’a pas hésité à titrer sur le « nouveau consensus de Davos », en écho ironique au consensus de Washington qui a servi de soubassement idéologique à l’architecture de la mondialisation. Tout le monde ou presque dans les hautes sphères économiques semble avoir connu au cours des derniers mois une conversion accélérée.

Un bon thermomètre, si on peut dire, du changement de mentalité à l’oeuvre, c’est l’attitude des représentants du secteur des hydrocarbures. Longtemps arc-boutés dans une posture de déni, ils semblent désormais confrontés à une douloureuse introspection. « Ils sont en état de choc, témoigne un banquier de Wall Street interrogé par le Financial Times. Ces entreprises se rendent compte d’un coup qu’elles n’arrivent plus à recruter de nouveaux diplômés. » Pour autant, remarque le quotidien économique, si on leur demandait de choisir entre la position de Steve Mnuchin et celle de Greta Thunberg, la plupart des décideurs présents à Davos ne rallierait aucune de ces « positions extrêmes », conscients que « la solution se situe entre les deux ».

S’il existe bien quelque chose comme un consensus de Davos, il se trouve dans la reconnaissance du défi climatique, un défi qu’il s’agit désormais de combattre avec les instruments du marché. Pour preuve « l’élan d’enthousiasme pour l’innovation financière verte » et les manifestations d’intérêt qui ont accueilli l’annonce de Microsoft d’effacer son empreinte carbone d’ici 2030 et celle de Salesforce de planter trois milliards d’arbres. Et si, pour sa cinquantième édition, le Forum de Davos, marquait l’année zéro du capitalisme vert ?

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