Terre d’exil favorite des anciennes gloires du football, la Chine vient de décider de limiter drastiquement le salaire des joueurs étrangers. Une décision qui pourrait paradoxalement, selon l’agent de joueurs Bakari Sanogo, renforcer l’attractivité du championnat chinois.
Quand l’Empire du Milieu siffle la fin de la partie. Depuis plusieurs années, la Chine s’est imposée comme « la » destination favorite des ex-stars du ballon rond, qui en fin de carrière y rejoignent des clubs leur proposant de vivre une véritable retraite dorée. Un exil volontaire en contrepartie duquel des joueurs comme Yannick Carrasco, Marek Hamsik, Marko Arnautovic, Paulinho ou encore Marouane Fellaini reçoivent de faramineuses rémunérations. Le Brésilien Oscar, qui évolue au sein du club de Shanghai SIPG, touche ainsi l’équivalent de quelque 25 millions d’euros bruts par an, soit près de 500 000 euros par semaine.
Le coup de semonce de la fédération chinoise
Mais ça, c’était avant. Avant la décision du président de la Super League, la fédération chinoise de football, qui a annoncé fin décembre son intention de mieux encadrer le salaire des joueurs. Dès le début de la saison prochaine, la rémunération des footballeurs étrangers ne pourra plus dépasser les 2,5 millions d’euros net annuels, soit environ 50 000 euros bruts par semaine – une somme rondelette, mais bien éloignée des émoluments auxquels étaient jusqu’alors habitués les plus grands joueurs. Cette décision, qui représente un petit tremblement de terre dans le « footbusiness », sera effective à partir du mois de février 2020 et n’affectera pas les contrats en cours.
« Nos clubs ont trop dépensé et notre football professionnel n’a pas été géré de manière durable, s’est justifié Chen Xuyuan, le big boss du football chinois. Si nous ne prenons pas de mesures en temps opportun, je crains que cela ne s’effondre ». Et la fédération de mettre en avant, pour justifier ces coupes drastiques, des « investissements irrationnels croissants », ainsi que la faiblesse du système de formation local ou encore le manque d’argent pour financer les stades et infrastructures d’entraînement dans le pays.
Des conséquences positives à long terme
Une telle réforme du système de rémunération des joueurs étrangers évoluant en Chine ne sera pas sans conséquences. La première, évidente, porte sur l’attractivité du championnat chinois : dans un premier temps, un certain nombre de vieilles gloires européennes risquent, en effet, de faire leurs valises ; d’autres encore pourraient, à l’occasion du mercato hivernal, reconsidérer négativement leur décision de rejoindre un club chinois. C’est ce que pense l’agent de joueurs Christophe Hutteau, selon qui « accepter de se rendre dans un championnat dont personne ne parle et où la pollution est un véritable problème » risque de ne plus aller de soi, « beaucoup de joueurs ne voudront plus aller en Chine (s’ils n’ont) pas cette compensation financière ».
A long terme, cependant, il y a fort à parier que la Chine profite de ces nouvelles mesures, voire que son championnat se révèle encore plus attractif pour les joueurs étrangers. En effet, en limitant les salaires et donc la venue de « superstars » la Chine pourrait éviter de se transformer en véritable maison de retraite pour anciennes gloires du ballon rond – ce que sont, de fait, devenus les championnats des pays du Golfe, comme au Qatar ou aux Emirats arabes unis.
Et bien que la présence sur le terrain de ces stars apporte de la visibilité au championnat chinois, cette présence déséquilibre in fine les équipes que ce soit financièrement ou sportivement, tout en empêchant les jeunes talents « locaux » d’émerger. Il s’agit pourtant là d’une condition sine qua non pour devenir un championnat compétitif à l’échelle mondiale, tout en s’enracinant auprès des populations de ces pays.
En limitant l’afflux de stars du football, le championnat chinois choisit clairement la maturité sportive sur l’exposition médiatique. Il y a donc fort à parier qu’il suscite davantage d’intérêt dans les années à venir, tout en gagnant en popularité auprès du public chinois. L’agent de joueurs Bakari Sanogo, particulièrement actif entre la Chine et l’Afrique, ne s’y trompe pas.
L’avenir se lève en Chine, prévient Sanogo
« La Super League est un championnat d’avenir, estime ainsi l’agent de Moussa Sissoko : le foot est désormais mondial et les grands championnats européens ne sont plus les seuls à pouvoir attirer à eux les jeunes talents. Tant mieux ! ». Pour celui qui a un œil tant sur les terrains qu’en coulisse, le soleil se lève définitivement à l’Est : « si les clubs et leur formation montent en puissance aux Etats-Unis, avance encore Sanogo, c’est bien en Chine que cette ascension est la plus spectaculaire. La récente décision de la fédération chinoise de football en ce qui concerne les hauts salaires ne va pas ralentir le flux de jeunes talents, spécialement africains, qui rejoignent le championnat chinois ».
Si on en croit Bakari Sanogo, le football en Chine risque bien de poursuivre son spectaculaire développement, quitte à se priver progressivement des anciennes gloires des terrains européens et monter en puissance de manière plus autonome. D’ailleurs pour le gouvernement chinois, organiser, voire remporter, une coupe du monde de football dans les 15 prochaines années est un objectif affiché. Et dans cette stratégie de long terme, moderniser le fonctionnement des clubs de son championnat est une étape indispensable.