La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait mettre à mal l’hégémonie économique du championnat britannique sur la planète football. En dépit des nombreuses et persistantes incertitudes, les clubs anglais sauront rebondir, estime l’agent de joueurs Bakari Sanogo.
Goodbye, farewell, and thank you for the show : cela fait désormais une dizaine de jours que le Royaume-Uni a, officiellement, quitté l’Union européenne (UE). Emportant loin du Vieux continent un peuple anglais plus divisé que jamais, des entreprises britanniques en plein doute sur leur avenir et… sa Premier League de football. Le Brexit menace en effet la suprématie de l’équivalent anglais de notre Ligue 1 française, le championnat britannique dépassant, de loin, le simple cadre sportif et s’étant, progressivement, imposé comme l’un des piliers de l’industrie mondiale du divertissement.
La Premier League, une domination sans partage sur le foot business
Près de trente ans après sa création, la Premier League est devenue une marque à part entière. « Meilleur championnat du monde » autoproclamé, le tournoi des « Big Four » – Manchester United, Liverpool, Arsenal et Chelsea, auxquels il convient d’ajouter Manchester City et Tottenham – fait exploser les compteurs, tant en termes de moyens financiers (4,4 milliards d’euros de recettes globales en 2015), de valeur de marché de ses joueurs (4,4 milliards d’euros également) que d’exposition médiatique, la Premier League « s’exportant » désormais jusqu’aux écrans des supporters asiatiques et nord-américains.
Car c’est bien grâce aux droits de diffusion TV que la Premier League assure son hégémonie. Le montant annuel des droits TV domestiques est ainsi passé de 38 millions de livres sterling entre 1992 et 1997 à 1,7 milliard de livres de nos jours. Soit une multiplication, phénoménale, par 45. Conséquence directe de cette spectaculaire augmentation des droits de diffusion, les revenus du championnat britannique ont doublé entre 2009 et 2015, représentant des recettes équivalentes à celles de la Bundesliga allemande et de la Liga espagnole réunies. Une puissance de feu qui permet, logiquement, aux clubs anglais de recruter la crème de la crème des joueurs, mais aussi des entraîneurs, préparateurs et autres formateurs stars.
Sanogo : « Les clubs anglais sauront rebondir »
Sans doute bien éloigné des considérations des électeurs britanniques s’étant prononcés, en juin 2016, en faveur du « leave », l’avenir de la Premier League est-il menacé par le Brexit ? On serait tenté de le craindre, tant le championnat anglais a bâti son leadership économique sur l’internationalisation de ses activités. Demeurant l’un des tournois qui accueillent le plus de joueurs étrangers, notamment d’Europe continentale – joueurs dont le nombre dépasse de beaucoup celui des joueurs britanniques –, la Premier League va, du fait de la fermeture des frontières du Royaume-Uni, devoir s’attaquer à une épineuse problématique de recrutement.
Les conditions d’obtention d’un permis de travail pourraient ainsi devenir aussi difficiles pour les footballeurs européens, qui ne jouiront plus de la libre circulation, que pour ceux originaires de pays hors UE. De plus, en cas de dévaluation de la livre sterling, les clubs anglais devront débourser davantage qu’avant le Brexit pour s’offrir les joueurs européens les plus convoités, situation qui risque fort de creuser encore l’écart entre les « Big 6 » et les autres formations. Pour la même raison, les salaires des joueurs évoluant en Premier League pourraient fondre en cas de chute de la livre. Pour faire face à cette possible érosion des recrutements, la solution réside, en grande partie, dans un intense effort de formation des joueurs britanniques, dont la sélection devrait également être favorisée par de nouvelles règles, plus protectionnistes, instaurées par la Fédération anglaise de football.
Reste qu’à l’image de nombreux aspects économiques, la principale conséquence du Brexit sur la Premier League s’illustre par le flou dans lequel subsiste le football anglais. Ce que confirme l’agent de joueur Bakari Sanogo, particulièrement actif en Angleterre : « Le principal problème du Brexit, dans le football comme dans le reste, c’est l’incertitude. Il est vrai que le championnat anglais rentre dans une période de flou », estime l’agent. Qui demeure, néanmoins, confiant : « Les Anglais savent attendre que le « smog » se dissipe », veut rassurer Sanogo, selon qui « les clubs anglais, puissants financièrement, dotés d’une vraie expérience de la formation et du « scouting » sauront rebondir. D’autant plus que la plupart possèdent une vraie culture de la gagne dans les coupes européennes. Les joueurs européens ne bénéficiant plus d’un avantage au recrutement, il y a aussi fort à parier que les clubs anglais se tournent davantage vers d’autres continents, notamment l’Afrique ».