Les secousses économiques provoquées par la pandémie du COVID-19 bouleversent de nombreux secteurs de l’économie, y compris l’agroalimentaire. Ces derniers mois, une nouvelle tendance prenait de l’ampleur : le grand retour du verre. On le pensait dépassé, définitivement remplacé par le plastique pour les emballages, mais face aux enjeux économiques et d’économie circulaire, de nombreuses entreprises redonnent ses lettres de noblesse à un matériau plein d’atouts. Une dynamique qui pourrait bien s’amplifier dans les prochaines années, tant la crise actuelle est aussi révélatrice des limites de certains modèles de production.
Un secteur qui retrouve son éclat
Le verre, ce matériau vieux de 5 000 ans, a été remplacé au fil du temps par des contenants plus modernes, comme le plastique. Pourtant, le secteur verrier semble avoir de beaux jours devant lui, à en juger par son dynamisme économique. En 2019, Verallia, leader du verre d’emballage en Europe, était introduit en Bourse, tandis que l’Américain Owen-Illinois (O-I), premier groupe mondial du secteur, réalisait son plus gros investissement en France depuis ces vingt dernières années. La même année, Verescence, le leader mondial du flaconnage pour la parfumerie et les cosmétiques, faisait entrer la Stirling Square Capital Partners, société d’investissement européenne, comme nouvel actionnaire majoritaire.
Ainsi, le verre prend doucement sa revanche sur le plastique, largement pointé du doigt pour l’impact environnemental de ses déchets. De fait, les bouteilles en verre ont moins de chances de finir abandonnées dans la nature : plus facilement réutilisables, elles sont aussi plus facilement recyclées par les consommateurs. Selon la Fédération européenne du verre d’emballage (FEVE), le taux de recyclage du verre en Europe a atteint les 74 % en 2019, alors qu’il n’était que de 40 % en 1995. En outre, le secteur verrier ambitionne de porter ce taux à 90 % d’ici 2030, s’inscrivant de manière exemplaire dans les directives européennes en matière de protection de l’environnement.
La circularité des emballages, une priorité pour préserver la planète
Le verre présente l’avantage majeur de s’inscrire dans un modèle d’économie circulaire, en boucle fermée. « C’est un matériau 100 % recyclable et parfaitement neutre, et produit localement », résume Jacques Bordat, président de la Fédération des Industries du Verre (France). Cette circularité a de quoi séduire les acteurs de l’agroalimentaire, qui cherchent de plus en plus à réduire l’impact de leur activité sur l’environnement. En France, troisième producteur de verre en Europe, Danone est l’un des groupes les plus engagés dans cette transition à la fois porteuse en termes d’image, économiquement intéressante sur le long terme et surtout, bénéfique pour la planète.
À l’occasion de la présentation des résultats annuels de Danone en février dernier, Emmanuel Faber, PDG du groupe, annonçait un plan d’investissement de deux milliards d’euros sur trois ans, entièrement consacrés à la transition écologique. Or, la moitié de cet investissement est destinée à la circularité des emballages, nouvelle priorité pour le groupe.
L’entreprise française, qui souhaite notamment supprimer l’emploi du plastique à usage unique dans la fabrication de ses bouteilles d’eau minérales, investit également dans la recherche d’emballages alternatifs pour réduire son impact écologique : verre, métal, papier, polyester recyclable… Un fonds d’investissement de 200 millions d’euros est d’ailleurs dédié à la recherche de la prochaine génération de matériaux d’emballages. Si le verre n’est donc pas la seule piste envisagée pour préserver l’environnement, il reste pour l’heure une excellente alternative aux emballages plastiques.
Pour un modèle économique « durable »
Ces engagements de Danone pour réduire l’impact environnemental de ses produits reflètent une stratégie industrielle qui s’inscrit sur le long terme, qui vise « un modèle de croissance plus durable » selon les termes de son PDG.
Une démarche active en faveur de l’environnement qui permet aussi de consolider l’image de la marque, de séduire le consommateur : le verre n’a pas que des qualités sur le plan du recyclage, c’est aussi un atout marketing, le matériau étant jugé souvent plus noble et moins toxique. Il est vrai que le verre est extrêmement stable, imperméable aux perturbations extérieures (comme l’humidité et la chaleur) et empêche la migration de substances étrangères dans les aliments, tout en préservant leur goût. Associé à cette réputation de « qualité » l’emballage en verre, notamment pour les bouteilles, est un atout pour conquérir certains marchés, particulièrement en Asie.
Pour l’industrie agroalimentaire, les signaux sont donc au verre : valorisant pour le produit auprès du consommateur, c’est aussi un premier pas vers un nouveau modèle de croissance, plus intégré, plus circulaire et protecteur de l’environnement.