Lors de mes premières années d’expérience professionnelle, avant de fonder Talentis, les femmes étaient encore très peu présentes à des postes de direction au sein des entreprises. Le pire était que je ne m’en étais pas rendue compte. Nous avions commencé à 50/50 sur les bancs de l’école, et elles avaient progressivement disparu. Cette prise de conscience a été assez tardive.
Si la situation a bien évolué ces dix dernières années, il s’agit d’une progression du nombre de femmes dans les premiers niveaux de management. La mixité Hommes / Femmes est encore très faible aux postes de management senior ou directions (entre 10 et 20% selon les secteurs et pratiquement aucune PDG de grands groupes ne sont des femmes).
J’ai dédié mon livre « Oser être la Chef » aux femmes qui ont de l’ambition et veulent se donner toutes les chances de réussir leur projet personnel et professionnel. Les femmes ont globalement en moyenne le même niveau d’ambition que leurs collègues masculins. Cependant, le poids important des stéréotypes agit aussi bien sur leur propre auto censure, que sur les résistances de l’environnement à promouvoir les femmes de talent à des postes de direction. On entend encore ici et là des remarques telles que « elle n’a pas encore le niveau », « elle sera moins disponible du fait de sa maternité », « a-t-elle vraiment de l’ambition ? », « c’est à elle de mettre sa carrière de côté pour faire avancer celle de son conjoint »…
Il est important d’éduquer les hommes et les femmes, les managers et les dirigeants, et de faire progresser les consciences. Les jeunes générations répètent encore souvent les vieux stéréotypes qu’il faut justement démonter.
Un des freins également importants, au-delà des stéréotypes – qui impactent les décisions de recrutement, de promotion et de mobilité – concerne la prise de conscience du problème. Les entreprises qui progressent suivent attentivement les chiffres afin de bien prendre la mesure de l’état de la mixité à tous les niveaux. Les prises de conscience sont un vrai levier à l’action.
Pour avancer vers plus de mixité, il faut faire évoluer les mindsets tout autant que les comportements. Un sondage Harris Interactive, réalisé en novembre dernier confirme que seules 28% des femmes jugent « satisfaisante » la situation actuelle en matière d’accès des femmes à des postes de responsabilité dans les entreprises – contre 48% des hommes. Dans le domaine de l’entrepreneuriat, 40 % des créateurs d’entreprise sont des femmes. Malheureusement, les femmes ne représentent que 14 % des dirigeants d’entreprises de plus de 10 salariés[1]. On peut dire qu’on n’y est pas encore.
La diversité est la clé de succès de l’entreprise, le frottement crée de l’intelligence collective
Les comités exécutifs sont encore très masculins dans la grande majorité des entreprises. Les habitudes ont la vie dure et la volonté consciente ou inconsciente de mixer d’avantage les profils n’est pas toujours une priorité. Et pourtant, de nombreux indicateurs montrent que la mixité Hommes / Femmes booste leur performance. Le rapport 2019 de l’Observatoire SKEMA de la féminisation des entreprises nous apprend ainsi qu’entre 2009 et 2019, les entreprises dont l’encadrement est le plus mixte (présence des femmes supérieure à 40%) ont connu une croissance (+240%) nettement supérieure à la moyenne, (croissance des entreprises du CAC 40 de +43% sur la même période).
C’est également ce qu’ont démontré les travaux de l’Index Women Equity, qui analysent depuis 10 ans les performances des petites et moyennes entreprises dirigées par des femmes, et la série de rapports « Women Matter » du cabinet McKinsey.
Il ne s’agit pas de dire que les femmes sont plus intelligentes, mais de montrer que la diversité rend les entreprises performantes. Pour citer Franck Riboud, « c’est le frottement qui rend intelligent ».
Les solutions pour faire avancer la Mixité
La situation a bien progressé dans les conseils d’administration après la loi « Copé-Zimmermann » qui a introduit un quota minimum de 40% de femmes administratrices dans les entreprises de plus de 500 salariés. A l’époque, dans nombre d’entreprises, on avait entendu des remarques indiquant de fortes résistances telles que « on ne trouvera pas de femmes ayant les compétences d’administratrices » ou encore « c’est un scandale que cette discrimination positive », phrases qui choquent encore les femmes et les hommes qui portent le projet d’une vraie mixité.
Cette initiative a prouvé aux plus récalcitrants que lorsque l’on fixe des objectifs forts, les processus de recrutements et promotions progressent et les talents féminins émergent.
Le gouvernement travaille actuellement sur un projet de loi sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie économique. Une des mesures annoncées vise à introduire un seuil minimum de 40% de représentation similaire dans les Comités exécutifs.
Cette initiative devrait servir à faire progresser le nombre de femmes dirigeantes, ce qui est essentiel. Au-delà des lois (qui sont déjà nombreuses), certaines actions donnent des résultats rapides et probants.
Afin de promouvoir la mixité en entreprise et le développement des carrières au féminin, il est nécessaire de travailler de manière attentive sur les process RH : recrutement, promotion, mobilité, formation, gestion de la parentalité, revue des talents, plans de succession, etc. Certains cabinets de chasse sont ainsi mandatés pour présenter des candidats féminins en nombre égal au nombre de candidats masculins.
Dans des secteurs comme le bâtiment (18,4 % parmi les cadres) où les métiers recrutent beaucoup d’ingénieurs, les femmes sont encore sous-représentées. D’une part parce que les écoles d’ingénieurs ne comptent pas encore suffisamment de femmes (même si là aussi cela a bien progressé), mais aussi du fait d’une perception genrée des métiers qui subsiste. Une des actions ayant également beaucoup d’effets dans la structuration d’un pool de talents féminins est de recruter dès la sortie de l’école autant de candidats féminins que de candidats masculins.
Autre action essentielle pour faire avancer la Mixité : lutter contre le sexisme ordinaire. Le sexisme ordinaire est encore très présent : remarques déplacées, blagues en public, déstabilisations volontaires en public, des comportements et attitudes qui n’ont plus leur place dans la vie publique ni dans la vie professionnelle. Elles ont un impact très important sur le moral des talents féminins, qui peuvent se sentir non respectées. De nombreuses entreprises se sont emparées avec courage de ce sujet, comme notamment Orange ou SNCF et cela porte ses fruits.
Chez Talentis, nous contribuons depuis 12 ans à accélérer la mixité dans les postes à responsabilité en développant deux types de programmes.
- Des programmes à destination des managers et dirigeants pour les sensibiliser au diagnostic, aux impacts de l’absence de mixité et à enclencher chez eux de vraies prises de conscience et actions pour jouer leur rôle actif de manager sur ce sujet.
- Des programmes de sensibilisation de tous les collaborateurs (conférences, ateliers, workshops) pour engager des dialogues fructueux autour des actions à mener par tous pour faire avancer les mentalités.
- Des programmes spécialement conçus pour les femmes de talent afin de booster leur réflexion sur leur projet professionnel, stimuler leur ambition, optimiser leur leadership et leur plan de carrière.
Nous aimons nous appuyer sur des hommes convaincus de l’apport de la mixité et les faire témoigner. Leurs témoignages sont très écoutés, surtout lorsqu’ils partagent de manière concrète les actions mises en œuvre, les clés de succès et les difficultés pour avancer vers plus de mixité. C’est aussi aux hommes de challenger le statu quo et de partager les bonnes pratiques.
La parité n’est pas un rapport de force, mais bien une entente vertueuse. Et c’est ensemble qu’on peut y arriver.
Référence :
[1] Données INSEE et étude KPMG d’avril 2015 – État des lieux de la place des femmes dirigeantes