Tout est réparable, tout dépend du prix. Malheureusement aujourd’hui, les équipements usagés finissent trop souvent à la poubelle, où ils seront détruits plutôt que réemployés.
Or, compte tenu de la place grandissante du high-tech dans nos vies, le réemploi, la réparation et la réutilisation devraient être placés au cœur des projets de relance national et européen. En témoigne le temps passé par les Français sur leur téléphone, en particulier durant le confinement. En 2020, l’usage du smartphone a explosé pour 80% des Français par rapport à 2019 et un utilisateur sur deux passe plus de trois heures par jour sur son téléphone.
Le reconditionnement consiste à garantir la remise en condition d’utilisation d’un produit. Ce dernier est testé, réparé si nécessaire et revendu, accompagné d’une garantie. C’est sur le plan écologique que les bénéfices sont les plus évidents : 80% de l’impact sur l’environnement des biens manufacturés que nous utilisons provient de la production (de l’extraction des matières premières, de l’assemblage, du transport…). Un smartphone peut ainsi avoir fait 4 fois le tour de la terre avant d’atteindre la poche du client final. Il représentera alors jusqu’à 100 kg d’émissions de CO2 avant même son premier usage. Le concept scientifique de sac à dos écologique est utilisé pour rendre compréhensibles toutes les ressources intégrées dans un produit fini. Un « poids » environnemental dont les Français sont de plus en plus conscients : selon le baromètre Celside Insurance / Harris Interactive sur la vie numérique en Europe, 7 Français sur 10 seraient prêts à acheter un appareil multimédia reconditionné.
Prolonger la durée de vie de nos appareils permet d’amortir la « charge » de notre consommation d’équipements sur la nature. Le Wuppertal Institute (un centre de recherche en écologie allemand) estime ainsi que le sac à dos écologique d’un téléphone portable se situe entre 40 et 100 kilos de matières premières primaires pour un objet de 200 grammes.
Le reconditionnement a également un fort impact social positif. Il permet de rendre accessibles au plus grand nombre des outils du quotidien. Compte tenu de la demande croissante de biens réemployés de qualité, le secteur devrait permettre d’importantes créations d’emplois, en particulier dans les métiers commerciaux, logistiques, techniques et d’ingénierie.
En effet, le secteur du réemploi permet à des consommateurs d’acheter un produit usagé à un juste prix. Cela donne lieu à deux phénomènes : une ouverture du marché à des personnes qui ne pourraient pas s’offrir un produit neuf (les baisses permises par le reconditionnement s’inscrivent entre -10 et -70% du prix du neuf) ainsi qu’une seconde vie qui redonne de la valeur à l’objet reconditionné. Cet argent touché par l’ancien propriétaire pourra, à terme, être réinjecté dans l’économie et sera réinvesti dans une dynamique circulaire.
Donner un cadre fiable et transparent au reconditionnement
Développer la réparation et le réemploi en France permettra de rendre l’économie davantage circulaire, mais aussi davantage résiliente. Le confinement causé par l’épidémie de Covid-19 a en effet souligné les difficultés rencontrées par l’économie mondialisée dépendante de la logistique internationale.
L’application de la loi Économie Circulaire votée par le Parlement est encore en cours de discussion via les décrets d’applications qui doivent retranscrire cette Loi dans un cadre juridique applicable. Il est désormais crucial de s’assurer que les engagements pris par les parlementaires pour accompagner l’essor de la filière ne restent pas au stade de vœux pieux.
Pour que le réemploi puisse devenir un acte simple et accessible au quotidien du plus grand nombre, il est par exemple nécessaire de mettre en place une fiscalité qui encourage les comportements vertueux. Nous soutenons l’idée d’instaurer un cadre fiscal favorable aux produits et services à externalités écologiques et sociale positives. Aussi, la question concerne également la loi de finance – qui sera bientôt débattue au Parlement. Le problème réside dans la concurrence déloyale avec des vendeurs ou reconditionneurs internationaux venant souvent d’Asie qui pratiquent des prix très agressifs permis souvent via des fraudes fiscales, que ce soit des fraudes à la TVA ou des fraudes d’autres taxes (DEEE) ou redevances pour s’imposer dans un marché en plein essor.
Afin de valoriser les acteurs français et européens qui respectent la réglementation et s’engagent dans une vraie politique de pilotage de la qualité des produits, nous travaillons à développer le « Label produit reconditionné » inspiré du label « AB » pour les produits issus de l’agriculture biologique. Toutefois, il sera nécessaire d’aller plus loin, de créer de vraies barrières à l’entrée pour les produits non-respectueux de la réglementation européenne et de les assortir de contrôle et de sanctions.
Lever les freins des consommateurs
Le récent baromètre réalisé par Harris Interactive pour Celside Insurance fait également état de plusieurs freins qui alimentent la défiance de certains consommateurs à l’égard du reconditionnement. En premier lieu, on peut citer l’absence de garanties juridiques suffisantes. Il est nécessaire de créer de la confiance dans les produits reconditionnés, ce qui implique une homogénéité entre l’offre et les attentes des clients. Il conviendrait donc entre autres de structurer les pratiques et les termes du reconditionnement : un produit reconditionné n’est pas, par exemple, un produit neuf déballé et réemballé dans une nouvelle boîte.
Un autre sujet crucial est la gestion des données personnelles de l’ancien propriétaire. De nombreux reconditionneurs garantissent ainsi la suppression des données soit par logiciel constructeur, soit par logiciels métiers avec des audits de contrôles qualité certifiés ISO 9001 par un cabinet de certification.
Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de créer une certification attestant de la qualité du produit revendu. Aujourd’hui, ces contrôles sont trop souvent laissés aux mains des revendeurs eux-mêmes, qui revendiquent souvent une auto-certification de leur produit, ce qui, en plus d’être une pratique interdite par le Code de la consommation, les placent en position de “juge” et “partie”, et n’assure pas une évaluation honnête de la qualité de leurs services. C’est pourquoi il faut mettre en place un vrai schéma de labellisation des produits reconditionnés comme le “Label Mobile Reconditionné” détenu par Recommerce et de contrôler que les reconditionneurs assurent la conformité de leurs services par rapport à leurs engagements.
Enfin, la filière du réemploi a besoin de moyens financiers. En effet, son développement passera par des investissements dans des technologies qui permettront d’optimiser la durée de vie des produits et de mieux tracer les équipements pour donner le juste prix à l’unité près. Nous avons la certitude que plus nous arriverons à donner une juste valeur aux choses (en €, en CO2, en matière première), plus chacun pourra prendre soin du matériel et plus nous pourrons prolonger la durée de vie des équipements.