En plein débat sur la 5G, les sénateurs français viennent de publier un rapport alarmant sur les conséquences environnementales de nos usages numériques. Leurs propositions pour réduire notre empreinte digitale s’inscrivent à rebours de la volonté du gouvernement de supprimer les tickets de caisse, décision qui contribuerait, au contraire, à augmenter drastiquement la pollution numérique.
Le Sénat veut s’attaquer à la pollution numérique. Les élus de la Haute assemblée française viennent de rendre public un rapport portant sur l’empreinte écologique de nos usages digitaux, usages qui sont en constante augmentation. Internet, streaming, smartphones, objets connectés… : selon les sénateurs, la pollution engendrée par le secteur du numérique pourrait dépasser celle du trafic aérien d’ici à 2040 et représenter 7% des émissions mondiales de CO2, contre 2% aujourd’hui.
Supprimer les tickets de caisse : la fausse bonne idée
« Si on avait à résumer l’empreinte de l’univers numérique, a déclaré devant les sénateurs Frédéric Bordage, fondateur de la communauté GreenIT, (…) c’est un pays grand comme trois fois la France. (…) Ce qui est extrêmement important ». Gourmande en énergie et matériaux rares, la production d’objets et terminaux numériques engendre 86% des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur ; mais leur utilisation, et la connexion ininterrompue au réseau Internet qu’ils nécessitent, consomment aussi de l’électricité, même si cette pollution est moins visible. L’utilisation de YouTube pendant trois semaines exige ainsi presque autant d’énergie que de faire tourner une lessive en machine.
Moins immédiatement palpables que d’autres formes de pollutions, les ravages environnementaux dus au numérique sont protéiformes et, parfois, provoqués par de louables intentions. Soucieux de « verdir » sa politique, le gouvernement français a ainsi annoncé la disparition prochaine des tickets de caisse traditionnels, qui devraient laisser, d’ici trois ans, la place à leurs équivalents numériques. Des tickets électroniques qui, certes, ne nécessiteraient plus d’encre ni de papier, mais qui viendraient mécaniquement encombrer les boites mail et les smartphones (envoi par NFC ou Bluetooth) des consommateurs, ainsi que les serveurs des sociétés stockant leurs données en ligne.
Baisse de la TVA sur les objets reconditionnés, interdiction des forfaits illimités : les propositions des sénateurs
Or les serveurs numériques sont, on le sait, très énergivores. Supprimer les tickets de caisse en papier pourrait donc s’avérer plus néfaste pour l’environnement que le fait de les conserver : un paradoxe qui illustre l’extrême complexité des sujets en lien avec la pollution numérique. Complexité devant laquelle nos sénateurs ne baissent cependant pas les bras, eux qui ont proposé, à l’occasion de la publication de leur rapport consacré à ces questions, de lancer deux nouvelles missions d’information destinées à étudier les effets de mesures pour lutter contre la pollution due à nos usages digitaux.
La première d’entre elles propose de limiter le renouvellement de nos terminaux. Leur obsolescence programmée nous conduit, aujourd’hui, à remplacer nos smartphones au bout d’à peine deux ans. Les sénateurs proposent donc de passer la TVA portant sur les objets reconditionnés à 5,5%, afin d’encourager le remplacement des téléphones par des appareils ayant déjà servi. La seconde mesure avancée par les sénateurs consisterait à interdire les forfaits mobiles illimités, qui consomment beaucoup d’électricité. Enfin, les parlementaires proposent d’étendre la fibre plutôt que la 5G — une contribution qui ne manquera pas de faire débat, en pleine polémique sur l’utilité — et les dangers supposés — de cette nouvelle norme.