Le pire est à craindre dans les pays du Sud, alerte l’ONU, qui évoque un « contexte d’insécurité alimentaire aiguë ». De son côté, l’Union internationale des transports routiers (IRU) plaide depuis quelques mois pour un désengorgement des frontières, afin de ne pas entraver l’approvisionnement des denrées essentielles et périssables.
C’était à redouter. Selon l’Unicef, qui s’est appuyé sur une étude de la revue scientifique The Lancet, la crise sanitaire due au coronavirus a aggravé la malnutrition infantile partout dans le monde. Le Fonds des Nations unies pour l’enfance a dressé ce constat alarmant, mardi 28 juillet : 6,7 millions d’enfants supplémentaires, autour du globe, pourraient souffrir de maigreur extrême, à cause de la pandémie de Covid-19 – et de la crise économique et sociale qui en a découlé –, tandis que près de 50 millions d’entre eux (47 millions) ont souffert des conséquences de la malnutrition en 2019. A l’arrivée, selon The Lancet, potentiellement plus de 10 000 décès supplémentaires d’enfants, chaque mois, dont la moitié en Afrique subsaharienne.
Avec la fermeture des écoles pendant le confinement, ce sont quelque 350 millions d’élèves qui ont été privés de repas scolaires, a fait savoir il y a quelques jours Hélène Botreau, responsable du plaidoyer à Oxfam France sur les enjeux d’agriculture et de sécurité alimentaire mondiale, à France 24. « Or, pour beaucoup d’enfants, il s’agissait du seul repas équilibré de la journée. […] Les familles ont donc dû assumer ce coût supplémentaire toutes seules, chose qui leur était parfois très compliquée, voire impossible », explique-t-elle. La perturbation des chaînes d’approvisionnement a effectivement fait grimper les prix de certains aliments, notamment les denrées périssables, comme les légumes (+ 142 % entre mars et mai 2020 en République démocratique du Congo, selon la Banque mondiale).
L’IRU avait tiré la sonnette d’alarme dès avril
L’approvisionnement en nourriture – mais également en médicaments – a notamment été entravé par l’engorgement des frontières, conséquence des restrictions décidées unilatéralement par certains Etats au début de la crise sanitaire, au mépris du respect des procédures douanières internationales. Résultat : bloquées plusieurs jours aux frontières, plusieurs tonnes de denrées alimentaires ont été perdues. Comme il fallait s’y attendre. Début avril, l’Union internationale des transports routiers (IRU), garante de la Convention TIR (transport international routier) de l’ONU, avait effectivement tiré la sonnette d’alarme, tout en soulignant l’absurdité qu’il y avait à édicter des règles nationales dans une ère globalisée. L’IRU plaidait ainsi pour une meilleure coordination des Etats malgré le Covid-19, afin de normaliser l’approvisionnement des marchandises périssables, sous peine d’aggraver la malnutrition dans certains pays.
Ce n’est pas tout. « La fermeture des frontières et le confinement, ainsi que le comportement d’aversion des travailleurs, peuvent empêcher des agriculteurs de cultiver les terres et des transformateurs des produits alimentaires de s’occuper de la transformation », explique Qu Dongyu, directeur général de la FAO (programme de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture), cité par Médiaterre. A craindre ? Un « dérèglement des chaînes d’approvisionnement », indique le média, notamment dû à la suspension de leurs exportations de matières premières de la part des grands pays producteurs – comme la Russie, premier exportateur mondial de blé.
En somme, « plus vite les restrictions de transport seront levées, plus vite les pays demandeurs pourront avoir accès aux matières premières », estime Médiaterre. Tout en ayant bien conscience que la fermeture des frontières n’est pas le seul facteur perturbateur. « Partout dans le monde, la fermeture des marchés locaux a fragilisé les foyers, a déclaré Hélène Botreau à France 24. On a aussi assisté à un manque de main d’œuvre dans les champs et à un ralentissement des transports pendant le confinement. » Entraîné, entre autres, par de « grosses perturbations » dans les ports et sur les grands axes routiers. « Beaucoup d’éleveurs n’ont pas pu amener leurs bétails à l’abattoir et vendre leurs produits », explique la responsable du plaidoyer chez Oxfam.
En fin de compte, et alors que les cas de coronavirus augmentent de nouveau dans le monde – laissant craindre une nouvelle salve de confinements –, les conséquences de la crise sanitaire, en termes de malnutrition, ne sont pas encore terminées. Surtout dans les pays du Sud, comme alertait l’ONU – qui évoque un « contexte d’insécurité alimentaire aiguë » – il y a quelques semaines. Les populations mal nourries pourraient ainsi presque doubler, entre 2019 et 2020, et passer de 135 millions de personnes au bord de la famine à 250 millions.
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