Google menacé par la justice américaine

Google menacé par la justice américaine

Google a du souci à se faire. Le département de Justice américain vient d’initier une procédure contre la firme californienne pour abus de position dominante. Procédure qui devrait durer des années et dont l’issue pourrait se traduire par de profonds changements pour le géant du numérique.

A en croire la presse, le moment est historique. Pour Bloomberg, il s’agit de « la plus importante action antitrust contre une entreprise américaine depuis plus de deux décennies – voire depuis un siècle ». Pour l’Obs, c’est presque un soulagement de noter que « Washington attaque enfin le pouvoir de Google ». Se faisant l’écho des médias américains, Courrier International va jusqu’à titrer : « Washington déclare la guerre à la Silicon Valley ». Faut-il que le pouvoir de Google, et de l’écosystème qui l’a vu naître, soient devenus si inquiétants pour qu’on en parle comme d’une entité ennemie ?

Entité à coup sûr problématique pour le gouvernement fédéral américain, qui vient régulièrement titiller un pouvoir (pour faire simple, celui des GAFAM), devenu trop menaçant pour être laissé en l’état. C’est particulièrement vrai de l’administration Trump, obsédée à l’idée que les magnats californiens du web puissent nourrir des sentiments hostiles à son égard. Plusieurs enquêtes ont émaillé sa présidence, notamment celles lancées contre Facebook et Amazon par la Federal Trade Commission. Mais jamais les répercussions potentielles n’ont été aussi élevées pour l’une de ces multinationales du web qu’on adore détester.

Google soupçonné de monopole dans la recherche sur mobile

A l’origine de cette affaire, on trouve les soupçons de l’antitrust US concernant la recherche sur mobile. Google est accusé de bloquer l’innovation et la concurrence en obligeant les fabricants de smartphones à proposer son moteur de recherche par défaut. C’est vrai pour les modèles fonctionnant sous Android, mais aussi pour d’autres gammes, comme celle d’Apple, grâce à des accords passés avec les constructeurs. L’équipe d’experts en charge de la plainte a passé un an à décortiquer ces accords pour démontrer qu’ils constituent un frein à l’émergence de solutions alternatives. Elle reproche à Google de rémunérer les fabricants pour qu’ils proposent par défaut à leurs utilisateurs des fonctionnalités essentielles, telles que la messagerie. En clair, de détenir un monopole illégal sur la recherche en ligne via mobile, comme sur la publicité qui lui est liée.

Google s’est toujours défendu de telles pratiques. Avec un argument de poids dans le champ de la justice antitrust, censée être exercée au nom du consommateur : tous les services incriminés sont proposés gratuitement. Les services juridiques surpuissants de la firme auront tout loisir de défendre cette position pendant les nombreux mois que devrait durer le procès.

Il est encore tôt pour dire si cette plainte aura pour conséquence le démantèlement de la firme, objectif espéré par de nombreux observateurs qui jugent démesuré le pouvoir de Google. D’autres issues moins spectaculaires sont envisageables, tel un changement radical de pratiques. Un précédent est souvent invoqué depuis l’annonce de cette plainte : celui de Microsoft, contraint de ne plus promouvoir l’usage systématique d’Internet Explorer dans ses systèmes d’exploitation suite au jugement rendu dans une affaire similaire, ce qui avait ouvert la voie à l’émergence d’alternatives telles que Firefox… ou Chrome, un service de Google.

Sujet éminemment politique

Un facteur à surveiller cependant : l’élection américaine qui approche. Une victoire de Joe Biden pourrait atténuer la ligne jugée particulièrement offensive des instances gouvernementales. Le camp démocrate est considéré, sinon comme plus favorable aux GAFAM, du moins comme plus sensible à leur lobbying. La preuve que le sujet est éminemment politique.

Vu de France, l’annonce de ce procès et ses spéculations autour de ses possibles répercussions arrivent à un moment où se cristallise un autre débat, lié à l’attentat de Conflans : celui sur le contrôle des échanges en ligne. Autre sujet, certes, et concernant en premier lieu d’autres acteurs du web, mais qui pose lui aussi cette question déterminante pour les années à venir : quelle capacité de régulation pour les Etats à l’heure où les GAFAM jouent un rôle croissant dans le quotidien de milliards de personnes ?

Eric Fougerolles est un journaliste spécialisé dans le domaine de l’économie et de l’Europe. Diplômé de Sciences Po et en Droit communautaire, il travaille depuis une quinzaine d’années pour divers médias européens. Il est rédacteur pour Confluences.

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