Digital Services Act : comment l’Europe veut encadrer les GAFAM

Digital Services Act : comment l’Europe veut encadrer les GAFAM

Le besoin de régulation des géants du web fait l’objet d’une attention croissante de la part des pouvoirs publics. La Commission européenne s’apprête à dégainer une nouvelle arme avec son Digital Services Act. Objectif de ce texte : mieux réguler les contenus qui circulent sur les plateformes.

Fake news, contenus haineux, harcèlement, voire appels au meurtre : pas un jour sans que l’actualité n’offre un exemple de ce que peut être un espace numérique laissé à la seule régulation de ses membres et de plateformes parfois dépassées, quand elles ne refusent tout simplement pas d’agir.

Les Etats n’ont pas attendu la multiplication des incidents pour reprendre la main sur l’expression en ligne des citoyens dans ses effets les plus néfastes. Le tout dans un cadre où doit primer le respect des libertés publiques. On l’a vu récemment en France, avec les débats qui ont entouré la loi Avia, pour partie censurée par le Conseil constitutionnel.

En s’armant d’un dispositif législatif englobant, l’Union européenne entend inviter ses Etats membres à davantage de coordination, tout en affichant sa volonté de poser d’un poids plus fort face à des entreprises devenues hyper puissantes.

Pour réguler les acteurs du web, l’Union européenne dispose actuellement de deux armes : un droit de la concurrence respecté, qui a déjà permis à la Commission d’intenter plusieurs procès contre de grandes entreprises américaines (et qui devrait se voir renforcé sous forme d’un Digital Markets Act).

Et une législation sur les services numériques, aujourd’hui régie par une directive sur le e-commerce datant de…l’an 2000. C’est pour adapter cette dernière aux évolutions qu’a connues l’espace numérique que la Commission a décidé de se doter d’un Digital Services Act. Annoncé pour le 2 décembre, celui-ci est prévu « pour durer 20 ans », selon les mots du Commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui s’en expliquait récemment dans un entretien au Monde.

Responsabiliser davantage les plateformes

La mesure phare de ce futur paquet législatif concerne la régulation des contenus en ligne. On sait déjà  que le principe sera celui d’une plus grande responsabilisation des plateformes. Explications de Thierry Breton : « si une banque constate des mouvements de fonds suspects, elle a l’obligation de les dénoncer à qui de droit. Pour les grandes plateformes systémiques, ce sera la même chose, avec une structure en interne chargée d’opérer ces contrôles ».

La Commission devrait en profiter pour édicter une doctrine commune concernant des phénomènes qui font aujourd’hui polémique. Avec un principe simple : « ce qui est autorisé off line doit l’être on line, ce qui est interdit off line doit l’être on line ».  L’anonymat, aujourd’hui mis en cause par certains politiques, devrait être préservé. A condition que les plateformes disposent d’informations permettant d’identifier un membre en cas de contrôle. Une mesure valable à partir d’un certain seuil d’audience, qui fera peser plus de responsabilités sur les Twitter et autres Facebook, comparables à celles qui incombent aujourd’hui à un directeur de publication. En ce qui concerne les fake news, un dispositif de contrôle des algorithmes est envisagé, afin de savoir si un contenu viral a été « artificiellement gonflé ».

La charge de s’assurer du respect de ces mesures devrait être confiée à un organisme national, la Commission agissant comme une instance de coordination. En France, cela pourrait être le CSA, la CNIL, la Répression des fraudes ou encore une structure ad hoc. 

Des sanctions prévues en cas de non-respect 

Des sanctions financières seront prévues pour les plateformes qui se monteraient incapables de retirer dans les temps des contenus hors-la-loi et d’en identifier les auteurs. Et comme on sait que ces sanctions pèsent d’un poids relatif pour les géants du web, les dispositions contenues dans le futur texte devraient permettre d’envisager, en cas de récidive, une interdiction du marché européen.

Avec le Digital Services Act, l’Europe, qui met volontiers en avant son pouvoir normatif, espère agir comme un aiguillon à l’échelle mondiale. L’exemple de la RGPD, devenue source d’inspiration pour de nombreuses législations, témoigne de l’existence d’un « Brussel effect ». Sur un aspect tel que la régulation de l’expression en ligne,  l’ambition peut paraître plus difficile à réaliser, dans la mesure où 1) les acteurs les plus directement visés sont des géants américains ; 2) les Américains (sans parler du reste du monde) ont une approche sensiblement différente de ce qui touche à la liberté d’expression. On peut néanmoins imaginer des convergences sur les questions étroitement liées à la sécurité publique et à l’intégrité des personnes.

Eric Fougerolles est un journaliste spécialisé dans le domaine de l’économie et de l’Europe. Diplômé de Sciences Po et en Droit communautaire, il travaille depuis une quinzaine d’années pour divers médias européens. Il est rédacteur pour Confluences.

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