Le monde d’après, ce sera celui d’avant en pire. Alors que la crise sanitaire semble toucher à sa fin, certains paramètres économiques donnent raison à la prophétie de Michel Houellebecq. La politique de soutien tous azimuts a eu pour effet de faire exploser la dette française, qui culmine désormais à 120% du PIB.
Pour sauver une économie qu’il a lui-même mis à l’arrêt pour des raisons sanitaires, le gouvernement a eu massivement recours à l’arme de la dette. La fin de l’année arrive, et avec elle l’heure des premiers comptes. En 2020, le déficit de l’Etat devrait s’élever à plus de 220 milliards d’euros, conséquence immédiate du « quoi qu’il en coûte ». Face aux critiques et aux inquiétudes, le discours était jusqu’à présent bien rôdé : ne rien faire eût été pire, et les taux d’intérêt négatifs rendaient l’opération quasi-indolore.
Devant la montagne qui s’annonce, certains, notamment à gauche, suggèrent que la dette Covid ne soit jamais remboursée. Techniquement, disent-ils, il suffirait que la Banque Centrale Européenne allonge à l’infini les délais de paiement. De fait, comme il est peu probable que les banques centrales exigent un remboursement, une part conséquente des sommes engagées pour limiter la casse devrait être condamnée à flotter dans des limbes économiques jusqu’à nouvel ordre.
La dette, une question mise sous le tapis pour ne pas entraver la reprise
Depuis plusieurs semaines, Bruno Le Maire ne cesse de répéter que la dette sera bien remboursée, et qu’elle le sera sans augmentation d’impôts. Pour ce faire, il mise sur la croissance (qui stagne depuis des décennies) et sur des réformes structurelles permettant à l’Etat de dégager des économies (programme que les gouvernements précédents n’ont appliqué qu’à doses homéopathiques, de peur des conséquences sociales). Pour rendre son scénario crédible, le ministre de l’Economie a proposé d’isoler 150 milliards dans un véhicule ad hoc, en étalant son remboursement sur plus de vingt ans.
On comprend la tactique du gouvernement. La reprise espérée en 2021 dépendra largement de la capacité des ménages à consommer. Or, nombre d’entre eux pourraient être tentés de renoncer à des achats, ayant intégré une future hausse d’impôts, en vertu de la théorie des anticipations rationnelles.
Les ménages, en particulier ceux capables de payer l’impôt, ne sont pas les seuls à s’inquiéter d’un niveau d’endettement colossal. Dans les milieux financiers, on redoute que l’incapacité chronique de la France à s’attaquer au problème de la dette, déjà patente avant 2020, ne finisse par décourager les investisseurs. Autrement dit, si rien n’est fait pour corriger le tir, ceux qui nous prêtent aujourd’hui sans compter pourraient perdre confiance. La France serait alors confrontée au problème de son refinancement, avec la nécessité d’adopter des mesures d’austérité à peine imaginables.
Devant cette préoccupation émergente, le gouvernement a fait ce qu’ont fait ses prédécesseurs pour acter l’existence d’un problème tout en le mettant (provisoirement) sous le tapis : il a créé une commission. Annoncée début novembre par Olivier Dussopt, ministre chargé des Comptes publics, la mise en place d’un groupe de travail constitué d’experts doit permettre de dégager des pistes de rétablissement des finances publiques.
Un enjeu politique pour 2022
Souhaitons bonne chance aux experts dont les travaux devraient nourrir l’un des débats qui animeront la prochaine présidentielle. En théorie, le nombre d’options disponibles pour rembourser une dette est limité. Il y a l’annulation ou la croissance, déjà évoquées. Ensuite il y a l’inflation, mais celle-ci ne se décrète pas et ses conséquences, l’Histoire l’a montré, peuvent être plus dramatiques que ses bienfaits attendus.
Il y a enfin les impôts. Ceux qui les redoutent affirment que la pression fiscale en France est déjà suffisamment élevée pour qu’une nouvelle augmentation ne vienne annihiler toutes perspective de reprise.
En réalité, le débat est politique. Certains, à l’instar de Thomas Piketty, appellent d’ores et déjà à « faire payer les riches ». Son principal argument, il le puise dans les limites d’une approche purement monétaire du problème, laquelle contribuerait à faire grimper les inégalités. « L’orgie de création monétaire et d’achat de titres financiers, écrit-il, conduit à doper les cours boursiers et immobiliers, ce qui contribue à enrichir les plus riches ».
Connaissant la sensibilité de l’opinion française au sujet, il est probable que les débats à venir sur le remboursement de la dette Covid se cristalliseront sur ce point.
Oui Au Rétablissement de l’ ISF……..L.S.