« Mention passable ». Dans le domaine de la transition numérique des entreprises, la France se positionne à la 11e place européenne avec un score de 42/100, selon les conclusions de l’Index DESI qui mesure chaque année les progrès numériques des États de l’Union européenne. Très loin des promesses initiales de la start-up nation, c’est à peine plus que la moyenne des pays européens, dont la note s’élève à 41/100. Pourtant, la pandémie a rappelé le caractère stratégique du vecteur numérique dans les échanges économiques et sociaux. Entre plan de relance et mécanismes financiers à destination des entreprises, les pouvoirs publics semblent, malgré tout, décidés à agir fermement.
Ventes en ligne : la France pas encore au niveau
En France, seules 13 % des entreprises sont dotées d’un site internet ou d’une application destinée à la vente en ligne, selon les données de l’Index DESI. Des capacités légèrement inférieures à la moyenne européenne, où les entreprises sont 15 % à en posséder. Et surtout, bien éloignées de l’Irlande, du Danemark ou encore de la Suède, chez qui ce taux grimpe à 29 % pour le premier et 24 % pour les second et troisième. Pour rappel, selon la FEVAD, le marché du commerce en ligne s’est élevé à 100 milliards d’euros en 2019. Pandémie oblige, la croissance du secteur, en 2020, s’annonce impressionnante. Très logiquement, les plus petites entreprises sont les plus touchées, seules 11 % d’entre elles bénéficiant d’une plateforme e-commerce.
Au niveau du commerce en ligne continental, la France fait un peu moins bien que les autres États européens. Seules 5 % de nos entreprises sont équipées d’un site de vente en ligne à destination de consommateurs étrangers, contre 7 % au niveau du continent. Parmi les freins invoqués par l’Index DESI, sont régulièrement cités les coûts économiques, comme les frais de port, mais aussi les barrières linguistiques ou légales. Pourtant, une approche omnicanale, conjuguant point de vente physique et vecteur digital, permettrait d’augmenter son chiffre d’affaires de 14 %, selon les conclusions d’une étude réalisée par Oxatis en février 2020. Mais les freins psychologiques et la méconnaissance de ces enjeux par une partie des entreprises bloquent encore cette transition.
Depuis le début de la pandémie et la fermeture imposée de nombreuses entreprises, les pouvoirs publics tentent pourtant d’aider les commerçants à passer le cap numérique. Pour les professionnels, un « Chèque numérique » de 500 euros est supposé soutenir dans leur transition numérique les entreprises fermées administrativement. Même si elle peut se conjuguer à une myriade d’aides régionales, cette somme demeure insuffisante pour plusieurs spécialistes. « A peine le budget d’un site vitrine, d’un développeur à la journée, d’une formation au e-commerce » déplore ainsi Guillaume Serries, rédacteur en chef du magazine spécialisé Zdnet, dans une tribune publiée le 11 novembre dernier. La France a aussi décidé d’accorder 7 milliards d’euros de son futur plan de relance au numérique, sans préciser encore ce que sera l’enveloppe accordée à la transition numérique des entreprises.
« A peine le budget d’un site vitrine, d’un développeur à la journée, d’une formation au e-commerce » Guillaume Serries, rédacteur en chef de Zdnet
Big data et cloud computing : un bilan mitigé
C’est dans le domaine du cloud compunting que la France accuse l’un de ses retards les plus marqués. Pointant à la 17e place, seules 16 % des entreprises françaises ont intégré des solutions de cloud computing dans leurs briques technologiques. De l’aveu même du Président de la République, qui l’affirmait devant les acteurs de la French Tech le 14 septembre dernier, « la bataille du cloud (a été) perdue ». Preuve en est du choix polémique de Microsoft par les pouvoirs publics pour la gestion du Health Data Hub (HDH), destiné au stockage des données de santé. Un choix potentiellement dangereux selon certains observateurs, car les entreprises américaines, soumises au Patriot Act ou au Cloud Act, peuvent être contraintes de livrer à la justice les données en leur possession.
Si la France peine dans le cloud, elle s’en sort bien mieux dans le Big Data, intégré par 16 % de nos entreprises, contre 12 % au niveau des Etats-Membres. Très logiquement, une fracture se dessine au sein des pays de l’UE, entre les grandes entreprises, acculturées au Big Data pour 33 % d’entre elles et les PME, qui peinent encore à en exploiter les potentialités. Elles ne sont, en effet, que 23 % à l’utiliser. Mais dans le domaine, c’est Malte qui remporte la palme européenne, où le Big Data est plébiscité par presque un quart des entreprises de l’île. Le palier des 20 % est aussi franchi par la Belgique, l’Estonie ou encore les Pays-Bas. Une inégalité européenne entre petites et grandes entreprises que l’on retrouve aussi au niveau du CRM, utilisé par plus de 60 % des grandes entreprises et à peine plus de 30 % des PME.
Un plan de relance pour rattraper le retard ?
C’est peut-être vers les pays qui réussissent le mieux que la France devrait tourner son regard, afin d’en épouser les meilleures pratiques. Dans un document dédié à la maturité du numérique finlandais, le ministère de l’Économie souligne ainsi l’acculturation des jeunes Finlandais au numérique avec, très tôt, des enseignements dédiés au code et à la programmation. Chaque année, 4 000 ingénieurs spécialisés sortent des rangs des universités finlandaises. Un chiffre impressionnant, au vu de la population totale du pays.
Mais, en Finlande, c’est la population entière qui semble s’être tournée vers le numérique. Les pouvoirs publics y ont joué très tôt un rôle essentiel, soutenant l’innovation ouverte, l’open data ou encore la digitalisation des services publics, domaine dans lequel la Finlande, aux côtés de l’Estonie ou du Danemark, occupent les premières places européennes. Une culture numérique qui tranche avec la France, où le manque de profils spécialisés se fait sentir. Dans notre pays, 31 % des entreprises interrogées déclarant avoir des difficultés à embaucher des profils experts dans le domaine numérique. Autres freins possibles, le cabinet McKinsey pointe l’organisation en silo des entreprises françaises. Un facteur de rigidité et d’immobilisme, selon le géant du conseil, qui n’aiderait pas à libérer le potentiel numérique français. McKinsey affirme aussi que, structurellement, les entreprises françaises dégagent une marge brute moindre que leurs homologues européennes, restreignant leurs capacités d’investissement.
« Si elles veulent survivre, les entreprises doivent accélérer sur leur transition numérique » Cédric O, secrétaire d’Etat chargé du numérique
Aux 7 milliards d’euros prévus pour le numérique au sein du plan France Relance, devraient s’ajouter les fonds européens directement issus du plan de relance de l’Union, dont environ 150 milliards seront alloués à la transition numérique des États membres. De l’aveu même de Cédric O, la capacité des entreprises à se transformer est une question de vie ou de mort : « Si elles veulent survivre, les entreprises doivent accélérer sur leur transition numérique » a estimé le Secrétaire d’État, dans un interview accordé au magazine Décideurs en septembre dernier.