Afin de faire face à la pire crise que traverse son pays depuis les années 30, le nouveau locataire de la Maison Blanche a annoncé un plan de relance d’envergure. Décryptage, alors que les négociations au Congrès débutent cette semaine.
Au début de la pandémie et alors que l’Europe choisissait de généraliser le chômage partiel, les Etats-Unis préféraient indemniser les sans-emplois. Résultat : le taux de chômage explosait de 3,5 % à 14,8 % entre février et avril 2020, pour se stabiliser aujourd’hui autour des 7%.
Sur l’année 2020, près de 10 millions d’emplois ont donc été détruits sur le territoire américain. Et Donald Trump évincé, Joe Biden entend bien s’attaquer à ce ralentissement drastique de l’activité. Il en a fait sa priorité et il l’a martelé dès son élection : « l’aide arrive ».
Un soutien aux plus vulnérables
Joe Biden donnait récemment plus de précisions sur les tenants et aboutissants de son plan à l’objectif double, à savoir éviter dans un premier temps que la récession ne s’auto-alimente, pour donner ensuite un sérieux coup de fouet à l’activité.
D’un montant de près de 1 900 milliards de dollars, le plan est ambitieux et mêle à la fois des mesures immédiates (pour aider les plus vulnérables notamment) et des mesures plus globales et de long terme.
Pour répondre à l’urgence de la crise, Biden prévoit donc la prolongation de la suspension des expulsions locatives, celle des aides au chômage jusqu’à fin septembre ainsi que la mise à disposition d’un chèque de 1 400 dollars par personne en fonction des revenus. Autre mesure phare : le doublement du salaire minimal fédéral de 7,25 à 15 dollars de l’heure, à l’horizon 2025. Selon la secrétaire au Trésor Janet Yellen, il s’agit de permettre à « des dizaines de millions d’Américains de sortir de la pauvreté ».
Joe Biden, chantre du « Made in America »
Au cœur de ses promesses de campagne, les ambitions du programme Build Back Better trouvent par ailleurs un écho dans les orientations de cette relance priorisant l’augmentation de la production et de l’emploi manufacturier aux Etats-Unis.
Le Président entend ainsi soutenir le « made in America » face à la concurrence et aux importations étrangères. « Nous achèterons des produits américains, soutenant des millions d’emplois industriels américains », a-t-il affirmé. 700 milliards sont consacrés à cet objectif et seront étalés sur 4 ans.
Sur cette somme, 400 milliards seront donc destinés à l’achat public de produits manufacturés aux États Unis afin de moderniser les infrastructures notamment. Le reste, soit 300 milliards, sera alloué à la Recherche et au Développement (R&D), ainsi qu’à des innovations technologiques vertes comme la voiture électrique. Biden compte en effet faire décoller l’industrie automobile verte et plus largement la croissance verte.
La relance, premier test de la présidence Biden
Le plan élaboré traduit à bien des égards les positions politiques du nouveau Président en terme de justice sociale et environnementale. « Le retour sur investissement en matière d’emplois, d’égalité raciale, empêchera les dommages économiques sur le long terme », a assuré le futur Président afin de contrer les critiques soulevées par le creusement de la dette qu’implique son programme.
Le programme de campagne de Joe Biden suppose cependant sur le long terme des hausses d’impôts pour les sociétés les plus riches (gagnant plus de 400 000 dollars par an). Si ces mesures ne sont pas encore inscrites dans l’agenda immédiat, elles participent au renversement politique que Biden souhaite opérer en luttant contre les inégalités, en soutenant les classes dévalorisées, mais aussi les femmes et les minorités racisées.
De fait, Joe Biden entend marquer son pouvoir en faisant voter son plan le plus vite possible. Il peut compter sur le contrôle des démocrates sur le Sénat et la chambre des représentants, mais la très faible majorité dans cette dernière l’empêchera cependant de faire passer sans heurts certaines mesures comme la levée de fonds pour les municipalités pour maintenir l’emploi dans la santé ou encore l’éducation.
En tout cas, les négociations débutent cette semaine au Congrès. Les républicains ont déjà proposé un plan alternatif, clairement moins ambitieux, de 600 milliards de dollars. Biden devra-t-il revoir son projet ?