Arcep : à La Réunion, attribution de fréquences basses sous haute tension

Arcep : à La Réunion, attribution de fréquences basses sous haute tension

Alors que l’Arcep a lancé une série de consultations publiques en vue de l’attribution de fréquences basses sur la bande 700 MHz à La Réunion, des voix s’élèvent contre le procédé choisi par l’Autorité, et plus particulièrement le mécanisme d’enchères. Explications.

Une consultation décisive

Après l’attribution des fréquences 5G à l’automne en métropole, voici venu le tour des territoires d’outre-mer. L’Arcep a lancé des consultations publiques pour une attribution qui s’annonce déjà disputée. Spécificité de La Réunion : la consultation publique lancée le 18 décembre 2020 ne concerne pas uniquement l’attribution des fréquences moyennes de 3,5 GHz, destinées au déploiement de la 5G. Sont également mises en jeu les fréquences basses de la bande 700 MHz jusqu’ici utilisées pour la 4G. Particulièrement prisées par les opérateurs mobiles, au point qu’on les surnomme les « fréquences en or », les fréquences basses sont indispensables pour pénétrer efficacement les bâtiments et ainsi assurer un réseau de meilleure qualité aux clients . Leur pouvoir de propagation impliquant moins d’antennes relais, elles sont intrinsèquement moins coûteuses à acheminer. L’Autorité de la concurrence reconnaît d’ailleurs que ne pas disposer de fréquences basses constitue un véritable désavantage concurrentiel pour un opérateur mobile. Plus encore que les fréquences moyennes dans la bande des 3,5 GHz, c’est donc cette procédure d’attribution de la bande basse des 700 MHz qui électrise d’ores et déjà les débats chez les opérateurs mobiles.

Il faut dire que tous ne sont pas logés à la même enseigne : depuis 2016 et l’attribution de fréquences 4G à La Réunion, Orange, SFR et Free bénéficient déjà de ces fameuses fréquences basses mais dans d’autres bandes, les 800 et 900 MHz. Quant au quatrième opérateur, le Réunionnais Zeop, il devait jusqu’ici s’en passer, payant là son entrée tardive sur le marché de la téléphonie mobile. C’est dire tout l’enjeu de cette attribution des fréquences basses dans la bande des 700 MHz.

Elle devait  enfin permettre à Zeop de pouvoir faire jeu égal avec ses trois concurrents, et ainsi corriger ce que l’opérateur considère, depuis 2016, être une injustice : « Nous sommes le seul opérateur au monde à n’avoir pas pu disposer de fréquences basses ni de mesures compensatoires », rappelait ainsi Nassir Goulamaly, dirigeant de Zeop, le 12 février dernier. Mais c’était sans compter sur le mécanisme d’enchères choisi par l’Arcep pour la seconde phase de cette nouvelle attribution.

La procédure de l’Arcep contestée

Dans les faits : l’attribution porte sur 30 MHz répartis en six blocs de 5 MHz ; en premier lieu, chacun des quatre opérateurs se verra attribuer un bloc de 5 MHz dans la bande 700 MHz, à condition de respecter certains engagements de déploiement. Orange et SFR devraient ainsi passer son portefeuille de 22,4 MHz à 27,4 MHz de fréquences basses, Free de 19,8 à 24,8 MHz et Zeop de 0 à 5 MHz. L’Arcep ayant fixé un plafond de détention à 30 MHz dans les bandes basses 700, 800 et 900 MHz, seul Zeop et Free pourront participer à la seconde phase du processus, qui consiste en l’attribution de deux nouveaux lots de 5 MHz, aux enchères.

Zeop pourrait-il donc prétendre à l’obtention de ces deux lots et ainsi revendiquer, à terme, 15 MHz de fréquences basses ? Rien n’est moins sûr. Les moyens financiers de la société créée par Xavier Niel ne laissent aucune chance à l’opérateur réunionnais, qui devra donc se consoler avec le dernier lot restant auquel aucun de ses concurrents ne pourra prétendre, Free ayant à son tour, à l’instar d’Orange et SFR, atteint la limite fixée par l’Arcep. Joué d’avance, ce mécanisme d’enchères ne laisse donc aucun doute quant à son dénouement.

« Le régulateur n’avait jamais lancé d’enchères en outre-mer. Nous ne pouvons pas nous mesurer à des acteurs qui ont une assise financière beaucoup plus importante. Même un euro, c’est trop cher. Nos activités sont mises à mal par une autorité qui favorise les puissants. On nous refuse le droit d’accès à l’autoroute et on nous envoie sur la départementale », déplore ainsi Nassir Goulamaly.

Même son de cloche du côté de Nassimah Dindar, sénatrice de La Réunion, qui a tenu à attirer l’attention du ministre de l’Économie et des Finances, en s’interrogeant quant à la volonté du Gouvernement « de corriger cette situation de concurrence biaisée, sans remettre évidemment en cause l’indépendance administrative de l’ARCEP, mais en prenant en considération les réelles particularités du marché réunionnais. »

Et les consommateurs dans tout ça ?

Nul besoin d’être expert pour savoir qu’une concurrence accrue dans un secteur favorise la baisse des prix qui y sont pratiqués. Selon l’association de consommateurs UFC Que Choisir, l’arrivée, début 2012, d’un quatrième opérateur en métropole, en l’occurrence Free, avait ainsi entraîné une diminution de 30 % de la facture mobile mensuelle des usagers. Dès lors, toute cause mettant à mal une situation de saine concurrence peut avoir l’effet inverse. Une loi mathématique qui pourrait bientôt se vérifier à La Réunion, au grand dam des Réunionnais. Qui pourraient d’ailleurs constater, en parallèle, une dégradation des services proposés par leurs opérateurs télécom, les deux allant souvent de pair avec les situations oligopolistiques.

Pour Nassimah Dindar, il existe pourtant un moyen qui permettrait de concilier attribution équitable des fréquences, soutenabilité financière pour les opérateurs et intérêt final du consommateur : abaisser le seuil maximum de détention de fréquences basses à 25 MHz. La sénatrice de La Réunion y voit une solution qui « outre sa conformité au principe de bonne gestion du domaine public hertzien, permettrait aux opérateurs mobiles de se faire concurrence enfin à armes égales. » Difficile d’ignorer les avantages d’une telle solution. À bon entendeur.

 

 

 

 

 

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