Qu’on ne compte pas sur cet article pour participer à cette triste manœuvre. Disons simplement que la cérémonie s’appuiera sur une création bien connue des amateurs de manga pour créer un télescopage audacieux avec les événements que traverse le monde. Ceux qui ont eu accès au story board avant ce leak ont déclaré avoir « la chair de poule » rien qu’en pensant à la qualité du spectacle proposé.
Quand le droit à l’information sert d’excuse aux trouble-fêtes
Dans un monde abreuvé de cérémonies et de spectacles (la finale du Superbowl, l’ouverture de la Coupe du Monde…), les Jeux olympiques gardent une aura particulière. La cérémonie d’ouverture des Jeux est longtemps restée l’un des rares spectacles en mondovision, réunissant des centaines de millions de spectateurs devant leur petit écran.
Pour le pays organisateur, c’est l’occasion d’offrir un aperçu de sa vitalité créatrice, de son sens de l’hospitalité et du spectacle. A l’instar des expositions universelles qui ont donné aux hommes et aux femmes du siècle passé le sentiment d’appartenir à une humanité commune, cette cérémonie était, et reste, une fenêtre sur les cultures étrangères. Même si les artefacts de ces cultures ont depuis essaimé dans le monde entier, chose qu’a parfaitement intégré le Japon en jouant de son imaginaire pop singulier pour concevoir cette cérémonie. Celle-ci devrait avoir lieu comme prévu, le temps manquant pour tout reprendre à zéro à la suite du leak malencontreux.
Le magazine responsable de cette publication fait désormais face à des menaces de procès de la part des organisateurs des Jeux, qui invoquent une violation de la propriété intellectuelle. Il est soutenu par des experts juridiques qui, de leur côté, s’en remettent à la liberté d’expression garantie par la Constitution. Si l’affaire va jusqu’au bout, la justice japonaise dira ce qu’il en est.
Qu’on se permette toutefois de s’interroger : où est le droit à l’information dans une telle démarche? Quel intérêt peut-on avoir à éventer une si belle surprise ? Les amateurs de séries le savent : se faire spoiler un épisode peut ruiner l’expérience, cette attente fébrile qui fait qu’on s’attache à la diffusion de son programme préféré comme à un geste quasi-religieux. Les Québécois, qui traduisent en français tous les mots américains, en ont inventé un qui en dit long sur la déception engendrée par cette expérience rageante : divulgâcher. Et s’il y a des déçus, c’est qu’il y a des personnes que cela excite de souiller ainsi le plaisir de la découverte.
Des Jeux olympiques aux conditions exceptionnelles
Pas plus qu’on ne se prononcera sur l’aspect juridique de cet épisode, on n’entrera ici plus avant dans ces considérations psychologiques. Il reste que cette affaire tombe mal, à une période où le monde a plus que jamais besoin de rêve et de magie.
Du rêve et de la magie, beaucoup espèrent que ces Jeux seront l’occasion d’en redonner aux amateurs de sport sevrés de compétitions depuis des mois. Tout a été fait pour que l’événement se déroule selon le nouveau calendrier, dans des conditions de sécurité rendues nécessaires par la persistance de la Covid-19. Défendus contre vents et marées par le Premier ministre japonais, organisés par l’agence Dentsu qui a fait le succès des éditions passées, ces Jeux s’ouvriront à Tokyo le 23 juillet prochain. Crève-coeur pour les organisateurs, les épreuves se dérouleront en l’absence de spectateurs venus de l’étranger. Mais les Japonais, eux, seront bien présents, en vertu d’un protocole sanitaire renforcé.
Quoi qu’il arrive sur le plan sportif, les JO de Tokyo entreront dans l’Histoire comme un exploit unique en son genre, au vu des circonstances. Ils marqueront un signe d’espoir et de retour à la normale dans un monde qui, pour les plus chanceux de ses habitants, commencera à entrevoir la sortie de l’épidémie. Alors pour que la fête soit complète, oubliez tout ce que vous avez cru lire ou voir sur la cérémonie d’ouverture, et accueillez-la avec une âme d’enfant.