Écologie : un véritable « virage vert » du gouvernement ou un « greenwashing » électoraliste ?

Écologie : un véritable « virage vert » du gouvernement ou un « greenwashing » électoraliste ?

D’un côté, le gouvernement d’Emmanuel Macron a fait voter une série de mesures environnementales phares. Mais, de l’autre, il renonce au référendum sur le climat et veut une nouvelle taxe sur l’économie circulaire, la « redevance copie privée ».  À l’approche des élections présidentielles de 2022, s’agit-il d’un véritable virage proécologie ou d’un simple « greenwashing » destiné à capter une partie de l’électorat vert ?

Une fin de mandat résolument verte

Le 4 mai dernier, l’Assemblée nationale adoptait en première lecture le projet de loi « Climat et résilience ».  Un texte qui reprend une grande partie des propositions des 150 citoyens tirés au sort de la Convention citoyenne pour le climat, constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental sur demande du Premier ministre d’alors, Édouard Philippe. Porté par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili, le texte a fait l’objet de l’un des plus longs débats parlementaires de la Ve République (110 heures rien qu’à l’Assemblée nationale).

Pour Emmanuel Macron, l’enjeu est de taille : alors que la question climatique devient incontournable à l’approche du scrutin présidentiel, il compte être inattaquable sur sa gauche sur ce sujet, notamment venant des Verts. Écologie et efficacité : le projet de loi a donc pour ambition affichée de rendre le quotidien des Français plus vert et concerne donc un large panel de thématiques telles que la consommation, la production, le travail, les déplacements, le logement, ou encore l’alimentation. Le texte prévoit ainsi de diviser par deux le rythme de bétonisation des sols en interdisant la construction de centres commerciaux sur des zones rurales ; mais aussi de mettre fin à tous les vols intérieurs pour lesquels il existe une alternative moins émettrice de CO2 en moins de 2h30 ; ou encore de limiter la circulation des véhicules les plus polluants en ville. La loi porte aussi des objectifs de long terme, comme la fin de la commercialisation des poids lourds utilisant des énergies fossiles à l’horizon 2040.

L’Élysée rappelle que cette loi inspirée des 146 mesures de la Convention citoyenne vient « compléter l’agenda écologique » d’Emmanuel Macron, qui comporte « trois lois majeures de transformation dans l’énergie, les transports et l’économie circulaire, la loi sur les hydrocarbures, auxquels s’ajoutent les 30 milliards d’euros ‘verts’ du plan de relance ». Un véritable arsenal écologique donc, qui répond à une prise de conscience du grand publique sur ces sujets… qui s’était précisément transcrite électoralement l’an dernier par un certain succès d’Europe Ecologie-Les Verts aux élections municipales. À moins d’un an des présidentielles, on comprend la volonté de l’exécutif de mettre en avant son bilan en matière d’écologie, notamment auprès des plus jeunes.

L’autre « loi majeure » à laquelle l’Élysée fait ici référence est la « loi anti-gaspillage pour une économie circulaire »,  promulguée le 10 février 2020 et dont certaines mesures sont entrées en vigueur il y a quelques mois, le 1er janvier. Les produits en plastique à usage unique (pailles, couverts, « touillettes », boites à sandwich, couvercles de boissons, tiges pour ballons, confettis et piques à steak…) sont désormais interdits. S’ils sont encore visibles dans plusieurs commerces, c’est que six mois ont été accordés aux distributeurs pour écouler leurs stocks. Là encore, les mesures vont s’étaler dans le temps : l’an prochain par exemple, les entreprises et les établissements publics ne pourront plus distribuer de bouteilles en plastique.

Référendum climat, redevance copie privée : un engagement écologique qui souffre de zones d’ombres

L’offensive verte d’Emmanuel Macron souffre néanmoins de quelques faiblesses, voire d’incohérences : totalement à rebours de la loi anti-gaspillage, le gouvernement soutient un projet de loi visant à taxer la vente de produits reconditionnés – un secteur pourtant au cœur de la nouvelle économie circulaire qu’il a prônée dans la loi éponyme. Dans le détail, le Premier ministre Jean Castex et la ministre de la Culture Roselyne Bachelot soutiennent l’extension de la « redevance copie privée » aux produits d’occasions remis en état. Cette taxe touche tous les produits neufs  possédant une mémoire de stockage (smartphone et ordinateurs principalement), et son montant (de 0,35 euro pour un CD de 700 Mo à 14 euros pour un smartphone ou une tablette avec une mémoire de plus de 64Go) est collecté par un organisme (Copie France) qui le reverse aux créateurs, artistes et producteurs, afin de compenser leur manque à gagner induit par ces nouvelles technologies. Cette redevance a été mise en place en 1985 en France, mais aujourd’hui, c’est dans l’hexagone que cette taxe est la plus élevée d’Europe. Une extension de cette redevance copie privée aux produits reconditionnés aurait donc un impact très négatif sur un secteur qui doit son succès à la faiblesse des prix de revente (un smartphone reconditionné coûte en moyenne entre 100 et 200€).

Mais plus encore que pour les consommateurs et les acteurs du secteur, le vrai manque à gagner qu’engendrerait une telle taxe concernerait l’écologie. L’achat de produits d’occasion reconditionnés permet en effet de limiter au maximum l’impact sur l’environnement grâce à un  recyclage immédiat et de proximité : les périphériques sont vendus, remis en état, et revendus dans un rayon relativement restreint (rien à voir avec les importations de produits neufs made in Asia), et limitent d’autant la quantité de déchets et l’extraction de matières premières. L’impact positif de l’économie du déconditionné sur le réchauffement climatique est également conséquent : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (l’ADEME) estime ainsi que reconditionner un smartphone permet d’économiser l’émission de l’équivalent de 30 kg de CO₂. On comprend pourquoi Barbara Pompili s’oppose à ce projet d’extension de la redevance copie privée, appuyée en cela par ses collègues Bruno Le Maire et Cédric O, respectivement ministre de l’Économie et secrétaires d’État au numérique.

Cet imbroglio gouvernemental autour de l’écologie concerne également le référendum pour le climat, une autre proposition de la Convention citoyenne. Emmanuel Macron avait assuré qu’un référendum serait organisé pour demander aux Français s’ils souhaitaient modifier le premier article de la Constitution afin d’y inscrire la protection du climat. Cependant, selon un article du Journal du dimanche du 8 mai, le chef de l’État aurait finalement décidé d’enterrer l’idée, car, selon le député LREM Pieyre-Alexandre Anglade, « les conditions du référendum ne sont pas réunies ». Le gouvernement  rejette la faute sur la majorité de droite au Sénat, car, pour pouvoir être soumise à un référendum, la proposition de modification de la Constitution doit être validée à l’identique par l’Assemblée et le Sénat. Or, la version votée par ce dernier stipule que la République « préserve » la biodiversité, l’environnement et la lutte contre le dérèglement climatique, tandis que la version des députées LREM  « garantit » cette préservation… Un mot qui change tout, et qui conduit le projet de référendum dans une impasse qui pourrait bien arranger tout le monde : certains sénateurs LR comme Bruno Retailleau accusent désormais le chef de l’État « d’hypocrisie » en imputant aux sénateurs le capotage d’un référendum dont il ne voulait pas.

Entre la promulgation de lois apportant de réels progrès en matière environnementale et une cacophonie gouvernementale entravant ces avancées, l’écologie serait-elle une nouvelle victime du « en même temps » macronien ?

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