L’aérien : le mauvais bouc-émissaire

L’aérien : le mauvais bouc-émissaire

« Je pense que vous ne vous rendez pas compte aujourd’hui des rêves dont on doit préserver les enfants. L’aérien, c’est triste, ne doit plus faire partie des rêves d’enfant aujourd’hui. » Ce sont les propos de la maire EELV de Poitiers.  Son but ? De prime abord, ne pas faire voter une subvention pour un aéroclub local. Mais dans le fond, c’est aussi une façon pour elle de relancer le débat, cher aux écolos mais aussi à tous les citoyens, de notre responsabilité dans la façon dont nous voyageons. Problème : avec ces mots, la mairesse de Poitiers choisit une nouvelle fois la cible la plus simple, la plus confortable et la plus consensuelle : le voyage aérien. 

C’est facile et peu engageant tant il est désormais acquis que l’aérien est la cible privilégiée d’organisations activistes très mobilisées. Etant l’auteur d’un livre « Être en train. Récits sur les rails » paru aux éditions de l’Aube qui déclare un amour irrépressible au train, je pourrais aisément épouser leur cause. Et pourtant, il semble qu’il faille – non pas l’excommunier – mais la regarder avec lucidité.

Alors oui, convenons-en, l’essor des vols low-cost et du tourisme quasi-universel contribue à une plus forte empreinte carbone de l’aérien, mais peut-être que dans ce débat, comme dans beaucoup d’autres, il est urgent de retrouver un peu de sérénité, et d’objectivité. De retrouver aussi le sens de la nuance et d’une forme de complexité des problèmes. De cesser de désigner ici ou là des boucs émissaires qui viennent toujours simplifier les choses au lieu de tenter de les comprendre.

Ainsi donc, les enfants ne devraient plus rêver au ciel sous peine de devenir des complices du réchauffement climatique. « Tout ce qui est excessif est insignifiant », rappelait Talleyrand… Qu’il nous soit ici permis de remettre un peu de raison et d’objectivité dans ce débat. Quand le transport routier mondial représente environ 17 % des émissions de CO2, le transport aérien lui en pèse 3 %. 3 % de trop, selon certains. Mais voilà qui recentre peut-être, un peu, les débats.

Plus globalement, au-delà des chiffres, il est intéressant de penser autrement le débat plutôt que de se contenter de l’excommunication de l’aérien des rêves des gosses. D’abord, peut-être serait-il judicieux de s’intéresser à ce que représente concrètement l’aérien sur le plan économique. Clairement, vouloir jeter le bébé avec l’eau du bain serait non seulement une erreur philosophique, mais surtout une erreur économique. L’aéronautique dans son ensemble pèse actuellement pour 4,3 % du PIB national, représente 1300 entreprises et emploie directement ou indirectement 350 000 personnes. Cerise sur le gâteau : ce secteur si décrié est l’un des secteurs les plus intéressants en termes d’exportations pour la France et affiche une balance commerciale excédentaire de 30 milliards d’euros en 2019.

Alors, évidemment, il ne s’agit pas de nier ici les conséquences et la part de l’empreinte carbone de cette industrie dans le réchauffement climatique. Il ne s’agit pas non plus de dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, il s’agit plutôt, avec modestie de recontextualiser. Comme chacun le sait, une industrie dynamique et prospère est aussi une industrie qui travaille à l’édification de demain. Grâce à sa recherche, grâce à son innovation et grâce à sa capacité de transformation des modèles. Toute l’industrie aéronautique est d’ailleurs tournée vers demain. Exit les super avions type A 380, en route vers l’avion décarboné qui est l’horizon 2035 de toute la filière. 2035 ce n’est pas demain, c’est aujourd’hui ! Mieux encore, des carburants alternatifs tels que l’hydrogène ou les biocarburants sont d’ores et déjà disponibles. Tout comme est possible une meilleure gestion du trafic aérien qui pourrait, à elle seule, réduire l’empreinte carbone globale d’environ 10 %. Des petits pas, peut-être, mais des pas tout de même. Des pas tournés vers l’avenir. Des pas nuancés, mais des pas concrets qui ne sont pas des jugements à l’emporte-pièce ou des postures politiques.

Et demain, pourquoi ne pas rêver à une intelligence collective de l’humanité et de ses chercheurs de talents qui nous permettrait d’élaborer une aviation encore plus durable dans laquelle l’énergie solaire serait centrale. Solar impulse a vécu, mais ainsi que le rappelait Nelson Mandela « soit on gagne, soit on apprend ». Clairement, nous avons appris et nous apprenons toujours.

A l’heure où Thomas Pesquet vient de rejoindre la station spatiale internationale et où tous les enfants en furent émerveillés, il est plus que jamais d’actualité de continuer de partir du réel pour aller vers l’idéal et de continuer de vouloir décrocher la lune pour construire le monde d’aujourd’hui et de demain.

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