Le 17 mai dernier, les entreprises signataires de la Charte de L’Autre Cercle réaffirmaient leur engagement à davantage de visibilité en faveur des personnes LGBT+, dans les milieux professionnels, alors que la crise sanitaire pourrait reléguer au second plan la question de l’inclusion.
« Je me demande si on peut mener à bien une carrière en vivant son homosexualité à côté, en se cachant… Mais comment le savoir puisque personne ne parle ? Et pourquoi parler, si c’est pour tout risquer ? ». Il y a quelques semaines, Ouissem Belgacem, ancien espoir du football français, publiait Adieu ma honte, un récit pour En finir avec l’homophobie dans les milieux professionnels, en général, et dans le monde du ballon rond, en particulier.
« Environnement bienveillant »
De fait, si le rectangle vert est l’un des rares bastions, en France, où les mentalités avancent péniblement sur la question de l’homosexualité – le conformisme viril catalyseur de tous les silences -, cette dernière semble un peu mieux traitée ailleurs. Les langues, petit à petit, se délient. Bien aidées, souvent, par la mise en place, au sein des structures professionnelles, d’actions ou d’associations pour fluidifier la prise de parole. Même s’il reste beaucoup de travail.
En 2019, 1 salarié LGBT+ (lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres) sur 4 estimait avoir été victime d’au moins une agression sur son lieu professionnel, selon une enquête de l’Ifop pour L’Autre Cercle, une association nationale de lutte contre les discriminations LGBT+ au travail, publiée en 2020. Sur les 1 229 personnes interrogées, 13 % ont été stigmatisées par leurs collègues, et 10 % la cible d’actes de violences physiques ou sexuelles. Alors pour éviter ces ambiances désastreuses au sein des open spaces, une seule solution : le mensonge.
Si l’on en croit Catherine Michaud, du Réseau Pride de BNP Paribas, le silence partagé, autour de la question LGBT+ en entreprises, « provient de peurs multiples : le regard des autres, d’être jugé, incompris, subir des moqueries, insultes homophobes ou autres remarques peu délicates, et bien sûr la peur des conséquences et incidences sur sa carrière professionnelle », estimait-elle à l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie, la lesbophobie, la biphobie et la transphobie, le 17 mai dernier.
Une situation qui doit évoluer. Et plutôt deux fois qu’une. « Ne pas se sentir dans un environnement bienveillant au travail peut être une réelle source de souffrance » pour le salarié. « Par ailleurs, en ce qui concerne l’entreprise, le mal-être d’un collaborateur s’associe souvent à une perte de productivité et d’efficacité. Un collaborateur en souffrance est un collaborateur qui met de l’énergie à cacher qui il est réellement, ce qui se traduit ensuite dans la qualité de son travail », indique Catherine Michaud.
« Role models »
Raison pour laquelle le 17 mai dernier, les signataires de la Charte de L’Autre Cercle ont souhaité, réaffirmant là leur engagement, appeler les dirigeants d’organisations publiques et privées à les rejoindre pour lever tous les freins à l’inclusion définitive des personnes LGBT+ dans le monde du travail. « Plus que jamais, nous offrons un environnement inclusif à nos collaboratrices et collaborateurs LGBT+ », ont clamé en chœur le représentant de tous les grands groupes français.
Parmi ceux-là, le groupe EDF se mobilise depuis 2010 aux côtés de l’Autre Cercle pour l’inclusion, dans son environnement industriel, des personnes LGBT+. Ainsi EDF a signé en 2015 la charte d’engagement LGBT+. L’électricien est engagé par ailleurs depuis 2007 pour sensibiliser ses équipes sur la diversité et le respect de l’autre, la lutte contre les stéréotypes de genre et la prise de conscience des discriminations en milieux professionnels. EDF a même instauré, en 2018, le « Printemps de la diversité » en son sein. « Le Groupe est vigilant à favoriser un environnement de travail toujours plus inclusif. Pour EDF, la diversité en entreprise est une source de richesse et un levier de performance collective » indique Christophe Carval, directeur exécutif groupe chargé des ressources humaines chez EDF.
Air France, également signataire de la Charte, l’assure : l’entreprise doit être « consciente de sa responsabilité sociale et sociétale ».
Cette année, la compagnie tricolore souffle d’ailleurs la vingtième bougie de Personn’ailes, une association LGBT+ et gay friendly – la première du genre dans l’aérien – créée en 2001. Et entre autres actions, elle a par exemple nommé en octobre dernier une cheffe de cabine, Lou Andréa Colliaux, « role model » l’Autre Cercle (catégorie « LGBT+ Leader »), qui aura pour mission de sensibiliser le personnel sur les questions d’inclusion et la visibilité des personnes LGBT+ dans l’entreprise.
De nombreuses structures misent semblablement sur la médiation d’une personne, en interne, qui puisse faciliter le quotidien des salariés peu enclins à se dire ouvertement. Catherine Michaud, chez BNP Paribas, est une « modèle » : « J’ai toujours souhaité être out et visible, c’est un signal d’existence envoyé à la société toute entière : s’assumer, ne pas se cacher, ne pas être honteuse, ne jamais s’excuser d’être qui on est ». Cette « parole publique » et cette « visibilité », le monde du football français la tient désormais, de facto, en la personne de Ouissem Belgacem.