LVMH précise sa feuille de route environnementale par la voix d’Antoine Arnault. Marché d’occasion, défilés de mode, utilisation de fourrures et de cuirs exotiques, classements de durabilité, coopération avec les concurrents… Dans une interview au média américain WWD, le directeur de l’image du groupe LVMH détaille les engagements environnementaux de son groupe.
Face à l’engouement des consommateurs pour le marché de seconde main, comme le souligne le cabinet d’études IntoTheMinds qui estime à 12 % son augmentation annuelle, le marché du luxe d’occasion représente 25 milliards d’euros à l’échelle mondiale et pourrait atteindre 36 milliards en 2021. Les raisons de ce succès ? Pour Bain & Company, ce marché « contribue à transformer les produits de luxe en biens durables ».
De son côté, le groupe LVMH ne prévoit pas de s’impliquer directement dans le marché d’occasion, a affirmé Antoine Arnault dans une interview accordée au quotidien américain de mode Women’s Wear Daily (WWD). « C’est définitivement une activité florissante, a-t-il concédé. Mais nous avons des produits extrêmement durables et nous les réparons. Nous allons pour le moment nous en tenir à cela et proposer de nouveaux produits aussi beaux, de nouvelles collections aussi créatives et palpitantes que possible », a ajouté le responsable de la communication et de l’image du groupe français.
Second life plutôt que second hand
Le groupe présidé par Bernard Arnault entend mettre l’accent sur la réparation et la transmission des produits et défend ainsi sa vision circulaire de la mode qui dure et qui se transmet, par opposition à la « fast-fashion ». «Nos produits sont très durables», a expliqué Antoine Arnault en précisant que l’entreprise produit des choses « en très petites quantités » et propose des produits que l’on ne devrait « jamais jeter ». Et de poursuivre : « Je ne pense pas que nous ayons quoi que ce soit à voir avec cette industrie à cycle rapide, nous avons des produits de longue durée ».
Lors de la Semaine européenne du développement durable 2020, LVMH a eu l’occasion de revenir sur ses actions en faveur de la réduction de son empreinte environnementale. Parmi elles, trois initiatives illustrent tout particulièrement « l’art de réparer, de réutiliser et de recycler » qu’évoque M. Arnault.
Ainsi, la maison Berluti propose à ses clients des prestations de réparation dans des ateliers dédiés, dans ses quatre centres de réparation dans le monde, qui regroupent 60 artisans coloristes, ou par des prestataires partenaires. Une vente d’un produit sur deux fait l’objet d’un service de soin (glaçage ou patine) ou de réparation liée à l’usage.
Antoine Arnault : « Nous avons besoin que les jeunes créateurs réussissent »
La maison Louis Vuitton analyse quant à elle l’impact environnemental de ses produits et préserve la biodiversité en ajustant l’utilisation des matières premières. Dernier exemple en date, le créateur américain Virgil Abloh a proposé, pour le défilé Homme printemps-été 2021, une sélection de looks upcyclés à partir de matières existantes et de précédentes collections.
Enfin, dans le cadre de son engagement pour le recyclage de ses produits obsolètes, LVMH s’est allié à Cèdre. Depuis 2010, la société spécialisée dans la collecte de déchets propose au groupe français des solutions de déconstruction de produits favorisant une traçabilité et une sécurité optimales et permettant d’éviter la contrefaçon et le marché parallèle.
« Faire traverser la planète à des gens pour un spectacle de croisière est excessif »
Également directeur général de Berluti, Antoine Arnault n’a pas fait l’impasse sur d’autres sujets importants en matière de protection de l’environnement, en particulier les défilés de mode, les classements de durabilité et la coopération avec les concurrents.
Qu’en sera-t-il des défilés en direct dans « le monde d’après » la pandémie ? « Comme toujours, ces sujets qui semblent simples ne le sont pas vraiment. Bien que le fait de faire traverser la planète à des gens pour un spectacle de croisière soit excessif, les semaines de la mode représentent une activité intense pour les hôtels et les restaurants », a noté M. Arnault. « Mais ce qui est probablement encore plus important, ce sont tous ces innombrables créateurs, ces jeunes créateurs pour qui les défilés représentent la seule occasion de l’année ou de la saison de montrer ce qu’ils font aux acheteurs, à la presse, aux faiseurs d’opinion, aux célébrités qui vont peut-être faire leur choix pendant le défilé », a-t-il expliqué.
« Les salons physiques vont continuer pour que les jeunes créateurs réussissent »
La planète luxe n’aura pas traversé la pandémie sans en tirer quelques enseignements. « Nous reconnaissons qu’il y a eu une sorte de frénésie ces dernières années et peut-être que nous-mêmes, d’une certaine manière, avons été emportés dans un tourbillon à vouloir toujours proposer quelque chose d’extravagant et de nouveau… Cependant, je pense que les salons physiques vont absolument continuer [car] nous avons besoin que les jeunes créateurs réussissent ».
Autre sujet sensible abordé par l’homme d’affaires, l’utilisation de fourrures et de cuirs exotiques. « Lorsque vous abordez la question sérieusement et que vous parlez à des experts, c’est la triste vérité que par le commerce de ces peaux ou fourrures animales, vous parvenez à contribuer à la préservation des espèces ».
« C’est une vérité scientifique », a expliqué le dirigeant. « Nous avons donc pris la décision en tant que groupe de continuer à aider ces économies, d’aider ces personnes qui souvent ne survivent que grâce au commerce de ces animaux et de continuer à les proposer à nos clients ».
« La biodiversité et la protection des écosystèmes de la nature ont toujours été au cœur de nos activités, analyse Antoine Arnault. Nous sommes très dépendants de la nature et des matières premières, probablement plus que tout autre groupe. Je veux parler des fleurs avec les parfums, des vignes pour nos vins et spiritueux, du coton, du cuir, des pierres… Vous n’avez qu’à les nommer, nous en dépendons. Notre avenir dépend du fait que la nature continue à nous offrir ses merveilles ».
Antoine Arnault a également évoqué la question des classements de durabilité (dont la méthodologie « n’est parfois pas très transparente ») et celle de la coopération avec d’autres acteurs du secteur. Bien plus régulière que les gens ne le pensent, celle-ci vise surtout à « renforcer les meilleures pratiques et créer de nouvelles normes ».