L’Espagne met un terme à soixante années d’extraction pétrolière sur son territoire. Un premier pas, avant de construire un modèle économique vert plus robuste.
Le Parlement espagnol a enfin voté sa loi sur le climat. Le pays s’engage à réduire d’ici 2030 ses émissions de gaz à effet de serre de 23% par rapport à 1990.
L’objectif espagnol reste pourtant nettement inférieur à ceux fixés par les autres grands émetteurs européens. En effet, le Royaume-Uni accélérait l’année dernière sa transition vers la neutralité carbone en promettant 68% de réduction de ses émissions sur la même période. De son côté, l’Allemagne revoyait à la hausse ses ambitions le mois dernier en visant une réduction de 65% d’ici 2030.
Une loi à deux volets
Le passage de cette loi espagnole, quoique frileuse, témoigne cependant d’un effort important de la part d’un pays fragilisé par une crise économique et sociale sans précédent. Peut-être l’Espagne fera-t-elle office d’exemple pour d’autres États en difficulté. Elle prouve en effet qu’il est aujourd’hui impossible de ne pas répondre à l’urgence climatique malgré un contexte économique tourmenté; ces deux crises étant interdépendantes et ne pouvant être résolues que de concert.
La loi climat espagnole combine dans cette mesure deux approches. La première articule une politique de promotion des alternatives aux énergies fossiles. L’objectif : produire 74% de l’électricité du pays avec des sources renouvelables d’ici 2030. Le second volet de la loi interdit l’émission de nouveaux permis de production de pétrole, de gaz, de charbon avec effet immédiat (ce mois-ci), et proscrit la vente de véhicules à combustibles fossiles d’ici 2040.
En finir avec l’exploitation de pétrole, et alors ?
Selon la presse espagnole (El Economista), la plateforme pétrolière phare en Espagne, celle de Casablanca en Catalogne, générerait pas moins de 4 millions d’euros par an. Une somme à laquelle il faudrait ajouter les revenus adjacents, liés à la logistique notamment. C’est donc sur une part importante de l’activité économique que le pays s’apprête à faire une croix dans les années à venir.
La plate-forme en question, et toutes les autres, pourraient cependant continuer de fonctionner encore une dizaine d’années. La loi climat bannit en effet l’émission de nouveaux permis d’exploitation mais prévoit de terminer la production d’énergies fossiles sur le territoire espagnol seulement d’ici 2042. Une façon de ménager les grosses compagnies pétrolières en activité, Repsol et Cepsa, et de leur offrir encore deux petites décennies de revenus avant la fermeture des sites.
Face aux effets d’annonce, il faut en effet être prudent. L’objectif de réduction des émissions proposée par le gouvernement espagnol n’est pas suffisant pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris. Surtout, il se cantonne à l’échelon national. Comme le montre l’article du Courrier International à ce sujet, le pays pourra continuer à importer des énergies fossiles de l’étranger comme bon lui semble. Avec quel effet ? Quand la France a interdit en 2017 l’exploitation de pétrole et de gaz sur son sol, son soutien aux hydrocarbures a grimpé de 17% trois ans plus tard comme l’a pointé un rapport relayé par Libération. Les pays européens refileraient-ils la patate chaude à l’étranger ?