Des pénuries semblent inévitables cet hiver alors la crise énergétique s’installe. Les politiques prient pour les températures soient douces, mais il est peut-être déjà trop tard…
La crise énergétique alimente toutes les craintes. Les prix du gaz naturel ont atteint des niveaux records au Royaume-Uni, en Espagne, en Allemagne, en Italie, mais aussi en France où ils ont été soulevés de 12,6% au 1er octobre. Depuis cet été, les hausses enregistrées sont en effet particulièrement importantes : de 10% en juillet, 5,3% en août et 8,7% en septembre. La situation est alarmante : les ménages les plus pauvres sont confrontés des factures insoutenables, tandis que de nombreuses industries particulièrement énergivores ou fragilisées commencent à ralentir leur production.
Les causes de la crise énergétique
Une conjugaison de facteurs explique cette flambée inédite de la demande et donc des prix. La consommation de gaz, utilisé pour chauffer, croît bien sûr tous les hivers. Et les pays européens s’y préparaient d’ici là, sauf que cette année, des problèmes de stockage (fin du gisement de gaz de Groningue aux Pays-Bas et du site de stockage de Rough notamment ) ont été enregistrés.
Un printemps particulièrement froid a en parallèle durement attaqué les stocks disponibles. Leur reconstitution a été ralentie par une augmentation de la demande, notamment chinoise, dans un contexte de reprise économique post-Covid. Et une baisse des exportations russes, dont l’Europe obtient plus du tiers de son approvisionnement, a par ailleurs été notée (sans que les experts ne s’accordent pas précisément sur le pourquoi.) La Russie ferait-elle pression pour accélérer l’approbation du gazoduc Nord Steam 2 ou donnerait-elle seulement la priorité à sa consommation intérieure ?
Les nations européennes dépendent en fait plus que jamais du gaz naturel. Le charbon, qui émet deux fois plus de dioxyde de carbone que le gaz, est en effet progressivement abandonné au profit d’énergies plus propres comme l’éolien et le soleil. Dans ce contexte, le gaz est considéré comme un « carburant de transition » avant l’entrée dans « l’ère du renouvelable ».
Une croissance ralentie ?
La crise énergétique actuelle est ainsi à prendre très au sérieux car l’Europe pourrait être confrontée à long terme à des pénuries si la Russie décide d’approvisionner la Chine en priorité. Pour le moment, il est clair que les prix ne semblent pas près d’attendre des niveaux convenables alors même la nécessité s’éclairer et se chauffer se fait de plus en plus ressentir.
Une augmentation incontrôlée des factures énergétiques pourrait rapidement dégénérer si elle n’est pas contenue, mettant en danger les entreprises en difficulté et les ménages. L’inflation s’en retrouverait par ailleurs renforcée et fragiliserait la reprise. « Dans la mesure où les gens s’inquiètent du coût plus élevé de l’énergie, ils peuvent être enclins à limiter leurs dépenses », explique l’économiste Europe chez Capital Economics Jessica Hinds.
Cette crise énergétique européenne, ralentissant la croissance, pourrait ainsi affecter le reste du monde. Face à la flambée des prix, les pays à faibles revenus pourraient ne pas avoir accès à de l’énergie en quantité suffisante et leurs économies pourraient tout bonnement être mises à l’arrêt. La situation est par ailleurs très précaire en Chine où l’électricité est rationnée dans certaines provinces, et en Inde, où les réserves de charbon se sont effondrées, plongeant le pays dans un état d’alerte. (Le charbon permet en effet de produire près de 70 % de l’électricité du pays.)
Une crise mondiale
Le Brésil, davantage dépendant du gaz naturel depuis plusieurs années, risque également de faire augmenter la demande. Les pays d’Asie, d’Europe et d’Amérique du Sud vont donc se ruer sur le gaz liquéfié exporté par le Qatar et les États-Unis, mais la production actuelle de ces pays ne pourra contenter tout le monde.
A très long terme, des crises énergétiques à répétition risquent d’installer une défiance dans l’opinion publique. Le prix de la transition énergétique pourrait apparaître comme trop élevé. Et cela « au risque de compromettre l’acceptation sociale d’une indispensable politique de transition écologique », comme le souligne Mediapart.