D’ici 5 ans, Facebook va recruter près de 10 000 personnes en Europe afin d’œuvrer au métavers, un projet qualifié par Mark Zuckerberg de « successeur de l’Internet mobile ». A tort ou à raison ? Mise en point.
Mark Zuckerberg a beau avoir remporté le gros lot en inventant une des applications les plus puissantes au monde, son ambition ne s’est pas tarie pour autant. Le boss de Facebook prépare désormais l’entrée de l’internet dans une nouvelle ère. Et dans ce contexte, sa société ne contenterait plus de gérer et d’optimiser comme aujourd’hui un ensemble de réseaux sociaux (essentiels au fonctionnement de l’économie mondiale et de la vie en général), elle participerait aussi au bon fonctionnement du métavers.
Ce projet semble tout droit sorti d’une science-fiction, et pour cause : le terme « métavers » provient du roman Le Samouraï virtuel (1992) de Neal Stephenson et désigne un univers où converge virtuel et réel. Dans le cas qui nous intéresse ici, le métavers consiste en fait en un monde virtuel immersif accessible via un casque de réalité virtuelle et rassemblant un ensemble d’activités digitalisées où se joue une grande partie de la vie : travail, consommation, divertissement…
Métavers, un « internet incarné »
En bref, au lieu de « voir » l’information comme c’est le cas aujourd’hui sur un ordinateur, le métavers vous permettra d’être en quelque sorte « dedans » . D’après Zuckerberg, le dispositif pourrait être ce qui se fait de mieux après la téléportation. Il s’agirait, selon ses mots, d’un « internet incarné », et le tout s’inspire d’ailleurs des expériences proposées par des plateformes ludiques comme Fortnite ou Animal Crossing. Pouvoir y déambuler avec un avatar constitue en fait l’une des caractéristiques premières du métavers, caractéristique évoquée en 2020 par Matthew Ball dans un essai influent. L’auteur mentionne également le fait qu’il accueille une économie à part entière.
« Je ne pense pas qu’il s’agisse principalement d’être plus engagé dans l’internet. Je pense qu’il s’agit d’y être plus engagé naturellement », a poursuivi le patron de Facebook. Sa société s’apprête à investir 50 millions de dollars en 2 ans pour construire ce « métavers » et multiplie les partenariats avec des organisations et des entreprises. Le métavers « n’est certainement pas quelque chose qu’une seule entreprise va construire », a expliqué Zuckerberg, « mais j’ose espérer que ma société contribuera de façon significative à sa construction ».
Facebook prétend que ce projet est non seulement inclusif et accessible à tous, mais qu’il encourage également la concurrence. Peut-on le croire ? Inventer une technologie ne donne pas un pouvoir immense à celui qui en a bâti les fondations ?
Métavers, un projet qui suscite des craintes
Cela fait maintenant plusieurs années que Facebook investit des sommes considérables dans la réalité virtuelle et la réalité augmentée. Et les développements technologiques à l’oeuvre commencent aujourd’hui porter leurs fruits. Il faut pourtant noter que le métavers ouvre une boite de Pandore quant aux enjeux de gestion et de réglementation. IL est en effet essentiel qu’aucune entreprise ne gère ou ne parvienne à prendre le contrôle de cet espace numérique d’un nouveau genre.
La décision de Facebook d’être aux avant-postes suscite ainsi de nouvelles craintes, notamment relatives au respect de la vie privée. Un projet d’une telle ampleur pourrait permettre à des sociétés déjà extrêmement puissantes de capter et d’exploiter davantage nos données. Robin Mansell, professeur de nouveaux médias et d’Internet à la London School of Economics a manifesté ses réserves dans le Guardian. Selon lui, il serait judicieux de mettre en place dès maintenant « des dispositifs de gouvernance – des contrôles sur la transparence, la protection des données, etc., et les préjudices, en particulier pour les enfants, et cela, avant que ces entreprises ne soient autorisées à se lancer dans le métavers ».
Et à Brent Mittelstadt, chercheur en éthique des données à l’Oxford Internet Institute, de conclure : « Si cela perturbe autant la nature des relations sociales que la généralisation des rencontres virtuelles, mesurer l’impact social de ce métavers est une mission quasi-impossible ». Seul l’avenir nous le dira.