La précarité énergétique des ménages est en hausse en France. Une situation qui s’explique par plusieurs facteurs défavorables, dont un système de marché européen a priori déséquilibré qui a provoqué une explosion du coût des énergies dans l’Hexagone.
Le baromètre du médiateur de l’énergie, dévoilé le 12 octobre dernier, a mis en évidence les inquiétudes des Français face à leurs dépenses énergétiques. Ainsi, 84% des sondés se disent préoccupés, soit 5 points de plus qu’en 2020. En outre, 20% disent avoir souffert du froid pendant au moins vingt-quatre heures dans leur logement, soit 6 points de plus qu’en 2020. L’une des principales raisons invoquées étant les difficultés financières (36%). Conséquence directe : 60 % des Français déclarent avoir diminué le chauffage dans leur logement.
Entre crise sanitaire et augmentation du prix du gaz
Dans ce contexte d’explosion du prix des énergies, gaz en tête, la précarité énergétique n’a rien d’anecdotique. Le Figaro en donne un exemple : « Un client type au tarif B1, avec une consommation annuelle de 17 000 kWh (usage chauffage), a vu, en effet, bondir sa facture de gaz de 50 % depuis le début de l’année, selon les chiffres de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). »
Une situation difficile que vient aggraver la crise sanitaire : « Avec la Covid-19, les gens ont été amenés à être plus souvent chez eux, en raison des confinements et du télétravail, ce qui a pu contribuer à augmenter leur consommation », développe une porte-parole du médiateur de l’énergie, par Le Figaro. Sans compter que de nombreux Français se sont retrouvés sans emploi ou au chômage partiel, et donc en difficulté pour payer leurs factures d’énergie. Et ce sont les jeunes qui se retrouvent en première ligne. Parmi les 18-34 ans, 46% des foyers déclarent avoir eu du mal à honorer leurs factures d’énergie en 2021 et 30% disent avoir souffert du froid.
L’électricité aussi
Si les chiffres sont aussi inquiétants, c’est parce que la hausse des prix du gaz dans ce contexte défavorable a eu également un impact sur les prix de l’électricité, en France. Et ce, bien que la France ne soit pas dépendante du gaz pour produire de l’électricité (les centrales à gaz ne représentent que 6% de la production française, contre 70% pour les centrales nucléaires). En effet, le Gouvernement a annoncé en septembre dernier, une hausse des tarifs réglementés de l’électricité d’environ 12 % en début d’année prochaine. Et ce sont 23 millions de ménages qui sont concernés !
Un système déséquilibré ?
Pourquoi une telle hausse ? « Le marché de gros européen tient compte du mix électrique européen, et non français », expliquait à TF1 Jacques Percebois, professeur émérite d’économie à l’université de Montpellier. « Par ailleurs, l’augmentation du prix de l’électricité est liée à celle des quotas de CO2. Quand on fabrique de l’électricité carbonée, il faut aujourd’hui avoir un certain nombre de quotas. Or la Commission européenne en a récemment augmenté les tarifs. » Effectivement, alors que la tonne de CO2 se négociait à 25 euros il y a encore quelques mois, elle s’échange désormais à plus de 60 euros. Conséquence : « Les prix de l’électricité sur les marchés de gros européens atteignent des niveaux records. Pour une livraison en 2022, les 100 € par MWh sont dépassés », prévient dans une tribune, Jean-Bernard Lévy, président directeur général chez EDF.
De court à long terme
Et Jean-Bernard Lévy regrette d’ailleurs que les Français pâtissent du système en vigueur en Europe, alors même que le parc électrique, reposant largement sur l’énergie nucléaire, est en quasi-totalité décarboné et plus compétitif. Selon lui, le problème réside dans ce choix arrêté voici vingt-cinq ans, en Europe – « dans un contexte énergétique tout autre » – qui a été de « faire de ce prix de court terme le fondement de l’ensemble du marché », alignant les prix de l’énergie sur ceux des combustibles fossiles, très volatiles.
En l’état, ce système expose les consommateurs à des factures « imprévisibles », et les producteurs à des recettes tout aussi incertaines. « Sans parler des responsables politiques qui doivent gérer le mécontentement des consommateurs », ajoute-t-il. Ce dernier appelle de ses vœux une prise en compte du long terme dans le prix de l’électricité « et dès lors que l’on accepte que la facture des consommateurs reflète la compétitivité des infrastructures de production ». A l’image de ce qui se pratique en Californie (États-Unis) ou en Ontario (Canada).
Au sein même du Gouvernement, le système européen est critiqué. Partisan d’une réforme, le locataire de Bercy, Bruno Lemaire, l’a vivement dénoncé, regrettant que « les Français en paient la facture d’une manière incompréhensible pour eux et totalement inefficace du point de vue économique ». Car en plus d’engendrer une possible crispation sociale, les pouvoirs publics s’inquiètent d’une perte de compétitivité des entreprises tricolores, pour qui la facture s’alourdit également.
Pour l’Etat, l’heure est à l’anticipation pour limiter la casse. Le chèque-énergie destiné au plus modeste a été renfloué de 100 euros. Autre solution potentielle ? Baisser les taxes sur les factures d’énergie ou redistribuer une part des bénéfices des opérateurs aux consommateurs. L’éventualité d’une baisse de taxe a été balayée par Bruno Le Maire. Affaire à suivre.