Les géants américains Amazon, Microsoft et Google, leaders en matière d’hébergement de données et des services en ligne, sont accusés de pratiques déloyales allant à l’encontre des règles de la concurrence sur le cloud.
Licences et crédits cloud
Deux pratiques très prisées des géants d’internet, qui s’apparentent souvent à de la vente liée (lorsqu’une entreprise contraint un client ou un partenaire à acheter ses produits) ou à du dumping, sont particulièrement contestées.
« Microsoft utilise la position de force de sa suite de logiciels de bureautique Office 365, dénonce Michel Paulin, directeur général d’OVH. Si nous voulons la vendre à nos clients, Microsoft nous propose une licence plus chère et techniquement plus contraignante que celle accordée aux acteurs vendant en parallèle ses services de cloud. » « C’est une forme de vente liée », abonde Thomas Fauré, PDG de Whaller, une entreprise française spécialisée dans le logiciel de travail collaboratif.
Mais la pratique la plus contestée, jugée particulièrement déloyale, reste celle des « crédits cloud gratuits». « Ces offres ont des montants et des durées qui empêchent toute concurrence, et les utilisateurs sont finalement captifs. C’est un dumping déguisé », dénonce la députée européenne Stéphanie Yon-Courtin (Renew). Ainsi, Amazon offrirait par exemple jusqu’à 100 000 dollars de crédits sur ses services pendant un an, soit plusieurs « centaines de millions d’euros » au total en Europe, se félicite l’entreprise.
« Risque de dépendance »
Microsoft, deuxième derrière le leader Amazon, propose le même montant, tandis que Google (troisième), dans un premier temps moins généreux, offre désormais le double de ses concurrents, soit 200 000 dollars, mais sur deux ans.
« Nous n’avons pas les poches aussi profondes. Il y a une distorsion de concurrence », dénonce Yann Lechelle, directeur de Scaleway. Lui, propose un crédit allant jusqu’à 36 000 euros, mais « ne souhaite pas » aller jusqu’à 100 000 euros. « Il y a un problème de concurrence dans le cloud, abonde le député MoDem Philippe Latombe. L’attention s’était jusqu’ici focalisée sur les marchés grand public, mais ce sujet est en train de monter. »
« Les start-ups sont très tentées par les crédits cloud, explique Maya Noël, directrice générale de l’association de jeunes entreprises numériques France digitale. Mais il y a un risque de dépendance, car il est ensuite difficile de changer de fournisseur. »
Intérêt des autorités
Alertée par de nombreux rivaux, l’Autorité de la concurrence française a décidé de se pencher sur la question du cloud. Elle lancera donc une consultation publique « avant l’été », afin de pouvoir rendre un avis début 2023. Celui-ci « servira de base aux prochaines enquêtes », précise l’Autorité. Au niveau européen, l’entreprise française OVH a déposé une plainte pour abus de position dominante contre Microsoft. « Nous sommes en train de l’examiner », à fait savoir la Commission européenne.
Les géants américains ont réagi aux accusations sans la moindre gène, et parfois même sans les réfuter. « Les clients continuent d’utiliser nos services cloud pour la valeur, et non pas en raison de contraintes techniques ou de coûts », a simplement répondu Amazon. « Nous sommes contre le verrouillage technologique », avance de son Google, qui dit vouloir « aider » les clients à mieux gérer leurs données.
Enfin, Microsoft s’est montré le plus nuancé des trois. « Tous les arguments de la plainte ne sont pas valides, mais certains le sont, et nous ferons des changements pour y répondre », a répondu l’entreprise dans un communiqué.