Après avoir passé les deux dernières années à chercher à convaincre qu’il se souciait de l’environnement, BlackRock, le gestionnaire aux 10 000 milliards de dollars d’actifs, a décidé de faire machine arrière. La raison ? L’écologie ne rapporte pas assez gros.
« Transformation fondamentale du secteur financier »
Alors qu’il y a deux ans le PDG de BlackRock, le milliardaire Larry Fink, se plaçait en leader de la transition écologique de Wall Street, il apparaît aujourd’hui que cette annonce n’était que de la poudre aux yeux.
« Le changement climatique constitue désormais un facteur déterminant dans les perspectives à long terme des entreprises. En septembre dernier, lorsque des millions de personnes sont descendues dans la rue pour exiger des actes contre le changement climatique, nombre d’entre elles ont évoqué l’impact significatif et durable de ce dernier sur la croissance économique et la prospérité – un risque que les marchés, à ce jour, tardent à refléter. Mais la prise de conscience progresse rapidement, et je suis convaincu que nous sommes à la veille d’une transformation fondamentale du secteur financier », plaidait à l’époque Larry Fink dans sa lettre annuelle aux PDG des multinationales.
« Dans un avenir proche, plus proche que la plupart des gens ne l’anticipent, nous observerons une réallocation significative des capitaux », prédisait même le PDG.
« Pas compatibles » avec nos intérêts financiers
Mais la « transformation fondamentale » annoncée par Larry Fink n’a apparemment pas eu lieu, puisque BlackRock a dévoilé sa nouvelle stratégie la semaine passée, en totale contradiction avec celle d’il y a deux ans. « Nous sommes susceptibles de soutenir proportionnellement moins de propositions de résolution sur le climat qu’en 2021, car nous ne les considérons pas compatibles avec les intérêts financiers à long terme de nos clients », s’est justifiée l’entreprise.
Le gestionnaire d’actif a ensuite prévenu qu’il serait désormais prudent (bien qu’il n’ait en fait jamais cessé de l’être) concernant les propositions d’actionnaires visant : « à cesser de fournir des financements aux entreprises énergétiques traditionnelles (hydrocarbures) » ; « à démanteler les actifs de ces mêmes entreprises énergétiques » ; « à exiger l’alignement des modèles commerciaux des banques et des énergéticiens sur le scenario visant à limiter le réchauffement climatique à +1,5 degré » ; « à modifier des statuts ou des chartes d’entreprise pour rendre obligatoire la déclaration ou le vote sur les risques climatiques » ; et enfin « à fixer des objectifs absolus de réduction des émissions de gaz à effet de serre ».
« Parce que nous sommes des capitalistes »
Pour justifier son revirement, BlackRock souligne qu’il n’est pas le seul investisseur à rejeter les propositions pénalisant les énergies fossiles. « Bon nombre de ces mesures attirent des niveaux de soutien plus faibles des investisseurs », explique BlackRock, tirant donc un trait sur « la transformation fondamentale du secteur financier » annoncée par Larry Fink en 2020.
Mais qu’elle finisse par se concrétiser ou non, la prédiction du PDG de BlackRock ne changera finalement pas l’ADN du groupe. « Nous nous concentrons sur le développement durable non pas parce que nous sommes des écologistes, mais parce que nous sommes des capitalistes », résume lui-même si bien Larry Fink. BlackRock sera donc vert, à condition que cela rapporte plus que le gaz et le pétrole.