Pour rivaliser avec les géants américains du streaming (Netflix, Prime Vidéo, Disney+, Apple TV), les chaînes de télé françaises (Arte, Canal+, M6, …) ont décidé de jouer sur leur terrain, en développant de nouveaux services de vidéo à la demande.
Double système
Toutes les chaînes insistent sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une transformation en profondeur de leur système, mais d’une diversification. Le développement des services de vidéo à la demande ne remet nullement en cause la diffusion traditionnelle, et apporte même de nouveaux usagers aux chaînes.
« Cela fait six ans que nous avons pris le tournant de la plateformisation en investissant dans une infrastructure technologique digne des meilleures offres américaines, explique le président d’Arte, Bruno Patino. Loin de cannibaliser l’audience de la chaîne, Arte.tv la développe largement. Si la première saison de la série française ‘En thérapie’ a fait les belles soirées d’Arte, elle a surtout généré 54 millions de vidéos vues sur la plateforme. Et la deuxième saison a déjà dépassé les 30 millions de vidéos vues. Au total, en 2021, près de 2 milliards de vidéos ont été consommées sur nos réseaux numériques ».
Désormais, « une même marque TV doit être capable de vivre dans ces deux environnements que sont les chaînes et la plateforme. Pour les nouveaux programmes, c’est d’ailleurs un critère important de sélection aujourd’hui » , résume Stéphane Sitbon-Gomez, directeur des antennes et des programmes de France Télévisions. « Autrefois, un programme devait se contenter d’une diffusion sèche. À présent, nous sommes capables d’offrir aux émissions, aux films, aux séries une deuxième vie, voire une longue vie », ajoute le responsable.
« Notre métier est d’éditer des programmes et de les diffuser le plus largement possible en télé ou sur notre plateforme MYTF1 », abonde Xavier Gandon, directeur des antennes TV & digitales du groupe TF1. Celle-ci « nous permet de toucher les 15-35 ans via les replays de nos programmes linéaires ou des productions originales MYTF1. Ainsi plus de 20 % de l’audience totale de ‘Koh-Lanta’ se fait sur MYTF1, mais on cible aussi les jeunes grâce à des programmes originaux comme ‘Sneakers Revolution’ ».
Plusieurs avantages à faire valoir
Ces nouvelles plateformes disposent de catalogues très fournis, que les chaînes ne pouvaient exploiter au mieux avec la diffusion linéaire. De plus, les catalogues des plateformes sont parfois plus complets, avec certains programmes inédits non diffusés sur les chaînes. Par exemple 6Play, qui ne faisait à l’origine que du replay, diffuse désormais des programmes indépendants. « On peut y trouver une cinquantaine de films cultes des années 1990 et surtout des productions originales, comme les ‘original’ de Netflix, qui vont d’un spin-off de ‘Top Chef’ à la minisérie ‘Or noir’ en passant par un documentaire ‘Johnny vs Amber’ », détaille Frédéric de Vincelles, directeur général des programmes, chargé des plateformes et du sport du groupe M6.
Les plateformes présentent également, pour la plupart, l’intérêt d’être gratuites. Elles n’ont pas besoin de faire de publicité, et disposent déjà d’une audience fidélisée. « Nous nous calons sur les nouveaux usages sociologiques en proposant notre univers sur une plateforme et en rayonnant sur les réseaux sociaux, où nous disposons de 21 millions d’abonnés. Résultat, nous avons rajeuni notre audience. Elle est en moyenne de 62 ans sur la TNT, de 50 ans sur la plateforme et de 30 ans sur nos réseaux sociaux », se réjouit Bruno Patino.
« Dans quelques années, la première antenne du groupe France Télévisions sera notre plateforme France.tv, ambitionne Stéphane Sitbon-Gomez. Nous y travaillons déjà, avec l’ambition d’être le large leader du streaming gratuit en France ».