Jeudi 21 juillet, la Banque centrale européenne a relevé son taux directeur de 0,50 point, le faisant passer de – 0,50 % à zéro. Cette décision, censée combattre l’inflation grandissante et éviter à l’Europe d’entrer en récession, est la première véritable prise de risque pour la présidente de la BCE, Christine Lagarde.
« Sa réputation est en train de se jouer maintenant. Être banquier central en temps de taux nuls, c’est cool. Là, on rentre dans le dur, du pas agréable. Il faut du courage. C’est dans un an qu’on saura si elle a réussi », résume le patron d’une grande banque française.
Pas une débutante
Christine Lagarde a beau être attendue au tournant, elle n’en est pas moins prête à relever ce nouveau défi, rompue qu’elle est à manoeuvrer entre les crises depuis quinze ans. En effet, arrivée à Bercy en 2007, madame Lagarde est rapidement confrontée à la faillite de la banque Lehman Brothers et à la crise des subprimes. Elle est ensuite nommée à la tête du FMI, en juillet 2011, où elle fait face à la crise des dettes souveraines (Grèce, Standard and Poor’s, … ), puis à son arrivée à la BCE, c’est l’épidémie de Covid19 qui émerge … Et maintenant la guerre en Ukraine.
« Mario Draghi (l’ancien président de la BCE) m’avait dit: ça va être une promenade de santé, la situation est calme », confie la nouvelle dirigeante. Quelle ironie. « Je me suis dit que j’attirais les crises », plaisante-t-elle.
Toutefois, ces crises étaient différentes, comme le rappelle l’ancienne ministre. « Les économies se refermaient les unes après les autres, on n’avait pas le choix. On n’avait pas le temps d’avoir peur. On savait qu’il fallait avancer vite et trouver des solutions efficaces », explique-t-elle. Aujourd’hui l’urgence est moindre, et les décisions par conséquent plus difficiles à prendre, mais Christine Lagarde reste confiante. « Bâtir le consensus, c’est la façon dont j’ai toujours travaillé, explique-t-elle. Il faut un minimum d’intelligence émotionnelle pour y parvenir, que ce soit à la tête d’un cabinet d’avocats international de 600 associés, avec les 190 pays du FMI, comme avec les membres du conseil des gouverneurs de la zone euro ».
Détracteurs et partisans
« Son manque de confiance en elle se voit dans ses conférences de presse: elle doit s’en tenir à lire et à relire des scripts préparés par son équipe, faute de capacité de jugement personnel sur ces sujets », tacle par exemple l’un l’un des membres du conseil des gouverneurs.
Mais dans l’ensemble, les retours concernant Christine Lagarde sont plutôt positifs. « Je ne suis pas sûr qu’elle soit moins technique que Jay Powell (le président de la Fed, la réserve fédérale des Etats-Unis) », estime Frederik Ducrozet, chef économiste de Pictet, qui vante la capacité de a présidente à communiquer avec les gouverneurs les plus extrêmes, les « faucons » : « On la voit rigoler avec Joachim Nagel alors que Draghi et Weidmann ne se parlaient plus ».
« Elle est très pragmatique, sans fétichisme excessif des modèles économiques », ajoute François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France. « Après Mario Draghi, qui, avec ses convictions, polarisait davantage, Christine Lagarde a beaucoup réuni le conseil des gouverneurs. Avec chacun des gouverneurs, elle a noué une relation de confiance personnelle: elle a une attention humaine rare à ce niveau de responsabilité, et essentielle quand il s’agit de trouver un consensus. C’est heureux car autrement le retour de l’inflation aurait pu être un moment de grande tension », souligne-t-il.