Alors que le secteur financier tourne au ralenti depuis le début de la guerre en Ukraine, le marché des fusions-acquisitions (M&A, M pour mergers) de l’aéronautique, de la défense et du spatial attire toujours davantage d’investisseurs.
Nombreuses places à pourvoir
Malgré une conjoncture économique détériorée par la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation, le secteur de l’aéronautique a presque retrouvé sa dynamique d’avant Covid. « Les premiers mois de 2022 sont dans la droite ligne de 2021, année marquée par un net redressement des M & A, avec une hausse de 54 % de leur volume (574 opérations, + 54 %) et de 338 % de leur valeur (à 116 milliards de dollars), après le point bas enregistré en 2020 », précise Nicolas Beaugrand, directeur général chez AlixPartners, un cabinet de conseil financier spécialisé dans le domaine du redressement des entreprises.
« Les entreprises, qui ont fait l’objet de M & A, n’ont généralement pas encore retrouvé les niveaux de rentabilité de 2019 mais le multiple d’Ebitda montre que les acheteurs sont prêts à payer les perspectives de croissance et de rentabilité à venir », ajoute le dirigeant. Le Multiple EBITDA (earnings before interest, taxes, depreciation, and amortization) est une méthode de valorisation par laquelle on constitue un échantillon composé de sociétés cotées directement concurrentes de l’entreprise à valoriser.
Pour le deuxième semestre « nous anticipons un ralentissement des M & A. Mais nous estimons qu’il existe encore des opportunités sur ces marchés qui reposent sur de puissants “drivers”», estime Nicolas Beaugrand. En effet, il apparaît évident que le marché aéronautique connaitra un dynamisme important en raison de la nécessité de renouveler les flottes. De plus, le secteur ayant été particulièrement touché par la crise sanitaire, de nombreuses places sont à pourvoir pour remplacer les sous-traitants ayant fait faillite. « La nécessité de consolider et transformer la chaîne de valeur dans un contexte de montée en cadence entraînant des investissements, constitue un autre levier pour déclencher des rapprochements et des fusions entre sous-traitants, notamment dans le segment des pièces mécaniques », explique Nicolas Beaugrand.
Secteur novateur
Que ce soit dans le domaine de la défense ou de la protection de l’environnement, les start-up innovantes susceptibles d’intéresser les grands groupes aéronautiques ne manquent pas. « Avec l’importance de la souveraineté, la défense redevient attractive aux yeux des banques et des investisseurs en capital, échaudés par les projets de taxonomie européenne qui classaient ces activités au même plan que les activités nocives telles que l’alcool ou le tabac. Cela, d’autant que les entreprises du secteur sont aussi actives dans le civil », rappelle Nicolas Beaugrand.
« Malgré les vents contraires, le marché des M & A dans l’aéronautique, le spatial et la défense va rester dynamique », résume Nicolas Beaugrand. Les français Airbus, Safran, et Thales notamment, s’en sortent particulièrement bien. « La priorité pour Airbus, qui est sorti vainqueur de la crise du Covid, est de passer de son rôle de challenger historique à celui de leader du marché en réussissant la montée en cadence de la famille A320neo et en imposant au marché les nouveaux standards de l’avion décarboné du futur », conclut Nicolas Beaugrand.
Boeing, en revanche, n’a pas les moyens de ses ambitions. Malgré un contexte favorable, l’avionneur américain, qui peine à sortir du marasme causé par la crise du 737 Max, a dû renoncer à acquérir la division commerciale du brésilien Embraer.