Alors qu’outre-Atlantique les start-up licencient à tour de bras, les entreprises de la French Tech se contentent d’embaucher moins et de revoir leurs prétentions de croissance à la baisse.
Difficultés pour les employés
Cette différence avec les Etats-Unis s’explique notamment s’explique surtout par la meilleure protection des employés français, protégés par le code du travail. «En France, on ne licencie pas d’un claquement de doigts des dizaines de personnes, les procédures sont plus longues et plus coûteuses à mettre en place, explique Géraldine Le Meur, cofondatrice du réseau d’investisseurs Lefonds.vc ». « Pendant des années, les dirigeants se sont arraché les cheveux pour trouver des talents, ce n’est pas pour les laisser partir à présent », insiste-t-elle.
Cela n’empêche toutefois pas les start-up d’anticiper l’avenir, en réduisant fortement voir stoppant complètement les plans de recrutement, et en spécialisant leur activité. « Les entreprises se reconcentrent sur l’essentiel ; leur cœur de métier. Elles revoient à la baisse leurs prévisions de croissance dans de nouveaux secteurs ou à l’étranger », explique Clara Chappaz, à la tête de la Mission French Tech.
Mais cela ne suffira pas, selon Maya Noël, directrice générale de France Digital. « Il faut limiter les dépenses mensuelles, avec des hypothèses de croissance revue à la baisse et tenir le plus longtemps possible », insiste la dirigeante. Une pilule parfois difficile à avaler par des patrons par essence optimistes. « Certains avaient établi des business plans, avec l’objectif de dépasser le milliard de valorisation dans cinq ans, pour accéder au statut de licorne. Il faut leur expliquer que cela prendra plus de temps », regrette Marc Fournier, associé et cofondateur de Serena Capital.
Aubaine pour les marchés
Mais ce qui fait le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres, et alors que les employés se font du mauvais sang, les investisseurs se frottent les mains. « Le moment est propice aux fusions et acquisitions, estime Franck Sebag, associé du cabinet d’audit financier et de conseil EY (Ernest & Young). Les grands groupes français pourraient s’intéresser davantage aux start-up. Les gigatechs américains rachètent en permanence des jeunes entreprises ».
En effet, la baisse du niveau des valorisations et l’effondrement de l’euro face au dollar représentent une aubaine pour les grands groupes américains, qui se ruent sur les start-up françaises. « Il ne faut pas négliger l’effet structurant des taux de change sur ce marché. Vu des États-Unis, ce sont les soldes dans la French Tech », insiste Franck Sebag. « Les Français ont longtemps été réfractaires aux investissements étrangers. Ils ont changé leurs habitudes et sont plus à même de capter l’intérêt des fonds étrangers », abonde Oliver Holle, PDG du fonds de capital-risque Speedinvest.
Et en terme de capital-risque justement, la France est bien positionnée avec une hausse de 63% au premier semestre 2022, contre une baisse de 16% à l’échelle mondiale. Et les poches des investisseurs sont loin d’être vides. « Au moins 11 milliards d’euros sont encore disponibles dans l’écosystème français », rappelle Paul-François Fournier, directeur exécutif innovation Bpifrance, qui ne doute pas un instant que la French Tech surmontera cette crise « qui n’est pas la première de son histoire ».
Et quand bien même cette crise serait la pire, l’heure est à la résilience. « En l’état actuel des choses, il est difficile de dire si c’est une grosse vache ou un tsunami. L’urgence, c’est de tenir », conclut Maya Noël.