Après la charge menée en 2020 par Donald Trump pour contraindre le groupe chinois ByteDance à vendre sa poule aux œufs d’or, les opposants à la plateforme vidéo sont de retour, bien décidés à terminer le travail entamé par l’ancien président.
Situation de guerre froide
Pour le détracteur de l’application, TikTok n’est autre que le fer-de-lance du soft power chinois. « Imaginez que nous soyons en pleine guerre froide et que l’Union soviétique soit en position d’influencer les programmes de télévision du bloc occidental. C’est la situation dans laquelle nous sommes », illustre Tristan Harris, fondateur de l’ONG Center for Humane Technology.
« Est-on à l’aise avec l’idée qu’une organisation étrangère puisse contrôler ce que voient nos enfants? TikTok devrait être interdit, point final », interroge pour sa part Scott Galloway, professeur de marketing intervenant sur la chaîne HBO. Un avis partagé par le PDG du groupe Axel Springer, Mathias Döpfner, qui a réclamé le bannissement de TikTok « dans toutes les démocraties ». « Nous finirons par ressentir les effets de notre dépendance à ce service, et ils ne seront pas qu’économiques. Les conséquences politiques vont être immenses », a-t-il prévenu.
Et les liens entre TikTok et le régime de Pékin ne font plus l’objet d’insinuations comme auparavant, mais de véritables accusations, par le sénat même. « Des salariés de TikTok ou de ByteDance sont-ils membres du Parti communiste chinois ? », interrogeait récemment le sénateur républicain Josh Hawley à l’intention de la directrice des opérations du groupe, Vanessa Papas. « Votre entreprise a beaucoup à cacher. Vous êtes un cauchemar sécuritaire ambulant et je suis inquiet pour tous les Américains qui utilisent votre service ».
« Il faut faire passer le message que TikTok est la vraie menace en tant qu’application étrangère qui capte les données des jeunes », estime pour sa part le directeur de l’agence numérique Targeted Victory, Zac Moffatt.
Concurrence déloyale
Outre l’ingérence chinoise qu’il représente, TikTok inquiète aussi ses concurrents, comme Meta (Facebook) et Youtube (Google), pour les parts de marché qu’il leur subtilise. « La concurrence peut venir de n’importe où. Vous savez, il y a trois ans, personne ne parlait de TikTok », admettait Sundar Pichai, directeur général de Google, lors de la Code Conference début septembre.
« Personne aux États-Unis n’a anticipé tout l’argent que ByteDance allait investir sur les marchés américain et européen, parce que cela était tout simplement inconcevable. Aucune start-up ne peut se permettre de dépenser des milliards de dollars pour acquérir des utilisateurs », ajoute Evan Spiegel, PDG de Snap, qui dénonce une concurrence déloyale, par l’intervention de la main invisible de Pékin.
Les plaintes des industriels américains sont toutefois considérées comme particulièrement hypocrites par certains experts. « La panique autour de TikTok dans un pays qui se fiche royalement de la protection des données des consommateurs et des actes de l’industrie des courtiers en données est risible, estime le journaliste Karl Bode. Le gouvernement chinois peut déjà récupérer toutes les données qu’il souhaite en les achetant auprès de ces intermédiaires, car nos lois sont catastrophiques ».
« Facebook, Google et Amazon n’ont pas le droit d’opérer en Chine. Alors pourquoi laissons-nous les entreprises chinoises jouer un rôle aussi dominant dans nos économies ? », pointe tout de même Mathias Dopfner.