De nombreux gérants de bars vont renoncer à diffuser la coupe du monde 2022 au Qatar pour des raisons éthiques, même si cela signifie renoncer à de nombreux clients et donc à une importante source de revenus. D’autres, bien sûr, ne veulent pas entendre parler de boycotte.
« Rester cohérents avec nos valeurs »
Marion Picard, gérante du Rhinocéros, un bar branché du 2ème arrondissement de Paris, ne diffusera aucun match, quel qu’en soit le prix. « Nous avons toujours diffusé la Coupe du Monde au cours des différentes éditions. En fonction des jours de matchs, cela nous permettait d’aller jusqu’à un doublement de notre chiffre d’affaires », explique-t-elle. Mais pas le moindre match cette année. « Nous avons pris cette décision début septembre, pour des raisons éthiques par rapport au respect de la place des femmes, des droits de l’homme et de l’environnement », explique la gérante. « On ne peut pas vraiment se le permettre financièrement mais parfois il faut savoir prendre des risques. Pour réussir à attirer des clients au moment des matchs de l’équipe de France, nous allons proposer des alternatives comme la mise en place d’un Bingo et d’un karaoké ».
Même son de cloche plus au nord, à Lille, où Gwendoline, gérante du Bar Moulins d’Ascq, refuse de diffuser la coupe pour rester en accord avec ses valeurs. « D’habitude, nous diffusons les événements sportifs, comme la coupe d’Europe ou la Ligue des Champions. Mais nous avons décidé de ne pas le faire pour la Coupe du Monde de cette année. Notre bar et la brasserie qui y est accolée sont tournés vers le bio et l’économie locale. On a décidé de rester cohérents avec nos valeurs, notamment en termes de préservation de l’environnement et de l’énergie », explique-t-elle.
Boycotte plus facile en hiver
Le bar des Amateurs, dans le 17ème arrondissement de Paris, fera également partie des établissements boycottant l’événement, mais son gérant Tom reconnait que la situation aurait été bien différente en été. Nous avons pris cette décision « pour des raisons de droits de l’homme et d’énergie utilisée au Qatar pour l’événement, explique Tom. C’est un risque commercial de mettre en avant nos opinions mais on le prend ». Toutefois, « il faut reconnaître que si la Coupe du Monde s’était déroulée en été, on n’aurait peut-être pas pris la même décision : avec notre grande terrasse, le manque à gagner aurait été trop lourd », admet le gérant.
Mais d’autres professionnels ne s’encombrent pas de cette distinction été/hiver, et assument pleinement de ne pas boycotter la coupe. « On ne va pas rentrer dans ce débat. Nous avons des établissements à faire tourner et des équipes à payer. Déjà que la période est difficile avec l’explosion des coûts de l’énergie, on ne va pas se permettre de boycotter cet événement », proteste Franck Delvau, patron de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie Paris Île-de-France.
Même rengaine pour Pascal Mousset, président du syndicat GNI (Groupement national des indépendants) Île-de-France : « Certains établissements ont des besoins économiques. C’est la réalité. Mais c’est vrai que pour le moment, les professionnels qui ont prévu de la diffuser ne font pas beaucoup de communication autour », nuance le syndicaliste.