Le récent plan « anti-inflation » proposé par le président américain Joe Biden, basé sur des subventions massives, crée des écarts de concurrence qui inquiètent l’Union européenne. Face à cette déferlante Bruxelles semble désarmée, mais des voix s’élèvent pour agir avant qu’il ne soit trop tard.
«367 milliards de dollars de subventions»
Le plan anti-inflation porté par Joe Biden et voté en août par le Congrès, l’Inflation Reduction Act, suscite depuis des tensions entre les Etats-Unis et leurs alliés (Union européenne, Japon, Corée du Sud), et a encore fait parlé lors du sommet du G20, à Bali.
« J’ai tiré la sonnette d’alarme dès août », rappelait il y a peu le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, qui critique les « 367 milliards de dollars de subventions, de proportion gigantesque, qui n’ont rien à voir avec ce que nous autorisons en Europe; cela crée une véritable distorsion de concurrence ».
Une inquiétude partagée par Paris. « Le véritable risque européen, c’est le décrochage technologique, industriel et économique, qui laisserait le champ libre aux États-Unis et à la Chine », s’inquiète le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.
« Protectionnisme décomplexé »
Avec l’Inflation Reduction Act, Joe Biden n’use pas de l’arsenal tarifaire, à l’inverse de son prédécesseur Donald Trump. D’une stratégie commerciale, on passe ici à une stratégie industrielle, basée sur la protection du marché intérieur. « La promesse de campagne de Biden en 2020 visait à ce que le commerce extérieur bénéficie plus aux travailleurs américains », explique Elvire Fabry, experte de géopolitique du commerce à l’Institut Delors. C’est un véritable « protectionnisme décomplexé ».
Ainsi, les États-Unis vont consacrer 0,6 % de leur PIB à leur politique industrielle, contre une moyenne de 0,4 % depuis dix ans. « Cette hausse conséquente les met en tête des pays développés », précise Maxime Darmet, économiste chez Allianz Trade. Et les effets se font déjà sentir, en matière d’énergie notamment. Le prix de cette dernière a été « multiplié par 5 en France alors qu’il est resté stable aux États-Unis », déplore Bruno Le Maire.
Contraire aux règles de l’OMC
« Nous refusons la course aux subventions », insiste le ministre de l’Economie, qui appelle à « réagir vite ». Mais comment ? Légalement peut-être, car comme le rappelle Cécile Rapoport, de l’université de Rennes « l’article 3.1.b spécifie bien que les subventions subordonnées à l’utilisation de produits nationaux sont contraires » aux règles de l’OMC. « Il faudra aller devant l’OMC et envisager des mesures de rétorsion », abonde Thierry Breton, se disant « prêt à aller au bout ».
Mais si elle l’avait pu, « l’UE aurait déjà saisi l’OMC. Avec la guerre en Ukraine, elle n’est pas en position de force, ce n’est pas facile de jouer les matamores », tempère Sébastien Jean, professeur au Cnam.