Après avoir été mise à l’arrêt fin mars, la centrale à charbon Émile-Huchet de Saint-Avold, en Moselle, a finalement repris du service le 28 novembre dernier. Sa réouverture, annoncée fin juin, s’est faite en urgence, à grand renfort de hausses de salaire pour faire revenir les anciens salariés.
Généreuses compensations
L’électricien GazelEnergie, filiale de l’entreprise EPH du tchèque Daniel Křetínský, a dû mettre la main à la poche pour faire revenir ses employés licenciés quelques mois plus tôt. Ainsi, les travailleurs rappelés bénéficient désormais de « primes variant entre 3 000 et 5 000 euros », pour des salaires variant entre « 2 500 et 3 000 euros net » mensuels, détaille le délégué syndical Force ouvrière Jean-Pierre Damm.
« Ces primes sont légitimes au regard du contexte particulier de la fermeture puis de la réouverture de la centrale, du travail accompli par les salariés pendant la saison et du manque de visibilité sur l’avenir de la production », assume l’entreprise.
« Avant la fermeture, nous nous sommes mobilisés et nous avions obtenu un congé d’accompagnement spécifique, en plus du congé de reclassement, il n’y a donc eu quasiment aucune perte de salaire pour les salariés pendant plusieurs mois. Mais les sous-traitants (une centaine) ont été moins chanceux. Cette réouverture les soulage », ajoute Jean-Pierre Damm.
« Le salaire était intéressant, et je n’avais rien oublié de ce métier, confie un des plus anciens employés de l’usine ayant souhaité conserver l’anonymat. Sans la compétence des anciens travailleurs, on n’aurait jamais réussi à redémarrer cet hiver, c’est sûr et certain. Mais je suis surpris de l’état de délabrement des installations. Ce n’était pas comme cela lorsque je suis parti ».
GazelEnergie toujours gagnant
GazelEnergie peut se permettre d’être généreux puisqu’il « va gagner 150 millions d’euros avec ce redémarrage », et ce malgré la taxe carbone qu’il devra payer à l’État, et « qui représente au bas mot 40 millions d’euros » par an, calcule Jean-Pierre Damm. Un argent qui « sera utilisé pour planter des arbres, alors que cet argent devrait plutôt servir à l’isolation thermique des bâtiments scolaires, par exemple, surtout dans ce contexte de sobriété énergétique contrainte », déplore le syndicaliste.
René Steiner, maire de Saint-Avold, est lui aussi inquiet quant à l’avenir : « La taxe versée pour diminuer l’impact écologique du redémarrage devrait être bénéfique pour le Grand Est, cela paraît évident. Le vrai challenge est l’après : comment va-t-on passer d’une mono-industrie à une usine qui devra répondre à la demande tout en étant décarbonée ? Le gouvernement paye son manque d’anticipation, car ce genre de projet industriel se fait sur 5 à 10 ans minimum… »
Grande incertitude
Le gouvernement a « manqué de courage politique en restant ambigu sur ses besoins avec la centrale », abonde Jean-Pierre Damm. « Il n’a pas dit s’il voulait ne la redémarrer qu’un seul hiver, ou bien chaque hiver pendant plusieurs années. Pour moi, c’est de l’amateurisme ».
Même incertitude du côté de GazelEnergie. « Nous ne pouvons pas raisonner de la même manière avec un retraité qui a accepté de donner un coup de main pour une saison, ou pour un jeune qui a vocation à être reclassé dans les futurs projets de production d’énergies décarbonées sur le site, prévient le groupe. Nous n’avons pas vocation à alterner congés de reclassement et CDD. Si nous devons produire une saison de plus, nous souhaitons le savoir avant la fin des CDD des salariés, pour pouvoir anticiper les recrutements et formations ».