Les assureurs devenant hors de prix, certains géants industriels français ont décidé de se tourner vers l’autoassurance. SEB, Lactalis ou encore Bonduelle ont récemment décidé de sauter le pas en couvrant leurs propres risques.
« Frilosité des assureurs »
« Les tarifs d’assurance ont fortement augmenté, avec des hausses en décalage avec les risques réels liés à l’entreprise. Cela nous a poussés à chercher de nouvelles solutions d’assurance », explique Christophe Piednoël, porte-parole du groupe Lactalis.
Parmi ces solutions figure celle de la captive d’assurance, c’est-à-dire la création d’une société filiale qui jouera un rôle d’assureur. Pour Lactalis par exemple, cette entreprise ne couvrira que les risques industriels des 273 usines du groupe, jusqu’à un plafond au-delà duquel les assurances classiques prendront le relais. « Nous ferons un bilan dans deux ans. Il est possible que notre captive couvre ensuite d’autres risques. Nous évaluerons également à ce moment-là nos plafonds de couverture », précise Christophe Piednoël.
SEB et Bonduelle ont eux aussi adopté cette méthode pour prévenir les risques. « Le secteur de l’agroalimentaire subit la frilosité des assureurs avec des primes qui s’envolent. L’intérêt d’une captive a pris tout son sens », estime Benjamin Cogez, directeur financier du groupe Bonduelle. Un avis partagé par Claire Pechoux-Lokoto, responsable des assurances du groupe SEB. « Nos risques principaux étaient bien couverts, ce qui ne résolvait pas notre problème de majoration de primes et surtout de franchises difficilement tenables pour certaines de nos petites filiales », explique-t-elle.
Soutien du gouvernement
« Dans un marché de l’assurance abondant, les entreprises n’avaient pas besoin de s’autoassurer. Mais, ce n’est plus le cas. Depuis la crise sanitaire et la multiplication des aléas climatiques, les assureurs ont augmenté leurs tarifs, les montants des franchises et mis en place des exclusions », résume Romain Dupeyré, avocat associé au cabinet DWF.
Sans oublier que « certains postes sont difficilement assurables, comme le risque cyber, la responsabilité civile du dirigeant, en particulier dans certains secteurs comme la pharmacie ou encore les pertes d’exploitation sans dommages, précise Yannick Zigmann, administrateur délégué de Risk & Reinsurance Solutions. Dans certaines entreprises, le risque le plus important n’est plus assurable, comme les incendies chez les industriels du recyclage. Ou ils sont devenus très chers à couvrir ».
Conscient de ces difficultés, et pour éviter que les entreprises constituent leurs captives à l’étranger, le gouvernement a décidé de faciliter leur création. Pour le moment « la loi autorise les entreprises à constituer d’importantes provisions en franchise d’impôt. Ce qui rend le marché français plus attractif », résume Romain Dupeyré.
Mais « la nouvelle réglementation permettrait aux entreprises de constituer progressivement des provisions pour des risques futurs, ajoute Oliver Wild, président de l’Association pour le management des risques et des assurances de l’entreprise (Amrae). Cela va faciliter la création de captives en France ». « Il ne s’agit pas seulement de grands groupes. La loi permettra à des entreprises de plus petites tailles de s’autoassurer, car celles qui sont mal assurées sont plus vulnérables », conclut l’expert.